Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

SCÈNE X.
LES PRECEDENS, PASION, BODASTORETH.
BODASTOREH.

Jeunes gens, lumière de votre patrie, mon cœur se réjouit parce qu’il m’est donné de contempler de nouveau votre visage !

AGORACRITE.

Étranger, tu es le bienvenu dans Athènes.

BODASTOREH.

Que Baal répande sur vous ses bénédictions ! qu’il remplisse votre demeure de richesses et vous fasse puissans !

AGORACRITE.

Oublie ces formules en usage dans ton pays. Que nous veux-tu ?

BODASTOREH.

Je veux être appelé le premier de vos serviteurs.

AGORACRITE.

Tu es chez un peuple libre ; parle comme il convient à un homme libre. Ton voyage a-t-il été rude ?

BODASTOREH.

Rude. Je n’ai point attendu que le printemps eût enchaîné la mer.

AGORACRITE.

Oui, vous autres Phéniciens, vous êtes de hardis navigateurs. Que ne fait faire l’amour de l’or !

BODASTOREH.

Mon âme n’avait soif que de revoir les habitans d’Athènes.

PRAXIAS.

Voilà une soif qui coûtera cher aux Athéniens !

BODASTOREH.

C’est à moi qu’elle coûtera cher. Les Grecs sont trop rusés : nous ne gagnons rien à trafiquer avec eux.

PRAXIAS.

Certes les Grecs seront fiers d’un tel éloge, et tu montres trop de désintéressement.

BODASTOREH.

J’en atteste Baal-Moloch, Melkarth, Atargatis…

PRAXIAS.

Tes dieux barbares n’étendent pas leurs bras jusqu’ici. La seule divinité que je voudrais te voir attester n’a d’autels ni à Sidon, ni à Tyr.

PASION.

Laquelle ?

PRAXIAS.

Mon pauvre Pasion, tu ne la connais même pas de nom.

PASION.

Qu’en sais-tu ?

PRAXIAS.

Tous, nous ne le savons que trop.