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maximes, répétées pendant des siècles du haut d’une chaire pleine d’autorité, et qu’en vertu de ces mêmes maximes on l’a fait souvent changer de maîtres, il est bien difficile de trouver en lui des ressorts vigoureux et un cœur prêt aux grandes choses ; les Bourbons de Naples gouvernaient la Sicile comme certains médecins traitent leurs malades, par l’opium et la saignée : la vitalité s’épuise ainsi, le peuple tombe insensiblement dans une atonie voisine de la mort ; il faut bien des événemens et bien du temps pour le réveiller, et encore, quand il est réveillé, n’est-il pas toujours capable d’agir immédiatement. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que l’esprit militaire n’ait point apparu chez les Siciliens aux premières heures de leur liberté nouvelle ; la conscription n’existait pas parmi eux, et nul ancien soldat regagnant ses foyers n’était venu échauffer leur amour-propre en leur racontant ses campagnes et la vie de garnison ; par suite de sa politique défiante, le gouvernement de Naples évitait avec un soin méticuleux de prendre des recrues dans la Sicile, qui de fait était exempte du service militaire. Ces pauvres gens le disaient eux-mêmes avec une simplicité touchante : « Nous ne savons pas ce que c’est que d’être soldats ; mais cela viendra avec l’habitude, et plus tard nous nous battrons aussi bien que d’autres. » Ils faisaient preuve de bonne volonté, c’est déjà beaucoup, et c’est tout ce qu’on était en droit de leur demander.

Quand ils seront devenus les soldats d’un état libre, les Siciliens oublieront peu à peu les exemples d’indiscipline et de pillage que les Napolitains leur ont donnés pendant si longtemps, car les généraux qui commandaient les troupes n’avaient point cette loyauté qui seule peut rassurer contre les abus où entraîne facilement la suprématie militaire. Nous en eûmes bientôt nous-mêmes une preuve qu’il est bon de ne point passer sous silence. En vertu de la convention signée le 28 juillet 1860 entre le maréchal de camp Thomas de Clary, pour le roi François II, et le major-général Jacob Medici, pour le dictateur Garibaldi, il avait été stipulé que la ville de Messine avec ses forts serait remise à l’armée méridionale, à l’exception de la citadelle, des forts Don Blasco, della Lanterna et San-Salvadore, qui restaient en possession des troupes napolitaines, « à la condition pourtant de ne pouvoir, en quelque éventualité que ce soit, causer des dommages à la ville, si ce n’est dans le cas où ces ouvrages seraient attaqués et où des travaux d’approche seraient construits dans la ville même. Ces conventions posées et maintenues, la citadelle s’abstiendra d’ouvrir le feu contre la ville jusqu’à la cessation des hostilités. » La citadelle et les forts dont je viens de parler forment les défenses maritimes de Messine, et sont isolés de la ville, qu’ils commandent cependant et peuvent facilement réduire. Toute la cité,