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soin. Si leur domaine est plus considérable, ils se font aider par leurs enfans ou par quelque ouvrier auxiliaire. Heureux le pays qui, comme la France, compte un grand nombre de tels habitans enchaînés au sol natal et à la défense de l’ordre par leur travail et par leur fortune ! À côté de ces braves cultivateurs, dont les procédés agricoles se rapprochent nécessairement du jardinage, il existe aussi de grands et de moyens propriétaires. Ce sont ceux-là qui louent leurs terres à des fermiers ou les confient à des métayers. Ils peuvent cependant être quelquefois amenés par leurs goûts ou par la nécessité à s’occuper eux-mêmes de la culture des champs qu’ils abandonnaient jusqu’alors à des soins étrangers. Dans quelles circonstances doivent-ils prendre une semblable détermination ? Quelles conditions doivent-ils trouver autour d’eux et personnellement remplir pour espérer le succès ? C’est ce qu’il nous reste à étudier.

Dans l’état actuel de l’Europe, l’exploitation directe par les grands propriétaires n’est la règle commune que pour les pays où la pauvreté des habitans et la civilisation très incomplète rendent le louage difficile. Si en France les petits propriétaires cultivateurs se rencontrent partout et se trouvent d’ordinaire en majorité dans nos départemens les plus pauvres (Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Corrèze, etc.), les propriétaires cultivant eux-mêmes des fermes assez étendues ne forment qu’une très faible exception. De tels exemples sont moins rares en Angleterre, en Allemagne et dans quelques pays où l’amour de la campagne et des choses rurales demeure plus vivace. Il faut regretter profondément que nos habitudes sociales, l’excessif développement de notre centralisation administrative, et d’autres causes récentes ou anciennes, éloignent si souvent de l’agriculture les classes mêmes que leur instruction et leur fortune rendraient chez nous les plus utiles au progrès agricole. Qu’y a-t-il d’ailleurs de plus juste en soi, de plus favorable au bon accord des diverses fractions de la société que la longue résidence du propriétaire sur son domaine ? L’absentéisme aboutit en définitive à l’exportation de la richesse loin des lieux où elle se crée ; il est pour beaucoup dans la misère de l’Irlande et dans la haine mutuelle que se sont vouée en ce malheureux pays les familles qui possèdent le sol et celles qui le labourent. Sans avoir jamais à craindre pour la France de tels excès, sans dissimuler aussi tous les soins qu’exige la bonne direction d’une ferme, nous conseillerions volontiers la vie et l’industrie rurales à beaucoup de gens, qui y trouveraient certes plus de vrais plaisirs et de saines conditions morales et matérielles qu’on ne l’imagine.

Le résultat financier de l’entreprise sera-t-il toujours brillant ? On ne saurait l’affirmer. Les gros profits, en agriculture comme dans