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toute autre industrie, ne répondent qu’à des ressources jusqu’alors inconnues et à de puissans efforts. Dans les riches plaines de la Limagne comme dans les grasses campagnes qui entourent Lille, en Brie comme dans les environs de Caen, partout, en un mot, où d’anciens travaux et d’heureuses circonstances ont déjà porté presque au maximum la fertilité du sol, la terre se vend et se loue aussi cher que le permet la somme de produits qu’on lui peut arracher. Évidemment il reste bien peu de progrès à introduire sur de tels domaines ; on s’explique ainsi que les contrées qu’on vient de nommer soient à peu près exclusivement exploitées par des fermiers. Les succès exceptionnels sont réservés aux améliorations exceptionnelles, c’est-à-dire à ces énergiques travaux qui s’exécutent dans des conditions agricoles dont l’ignorance et la pauvreté générales n’avaient pas encore permis d’utiliser toute la puissance. Dans les situations intermédiaires, il est d’autant plus difficile d’élever le chiffre des bénéfices, que l’on trouve plus développées autour de soi la richesse publique et l’intelligence. Quoi qu’il en soit, les champs ne sont ingrats nulle part ; ils rendent en raison de ce qu’on leur donne. C’est au propriétaire qu’il appartient de mesurer ses avances aux récoltes probables. Ni M. Sarrauste sur ses sauvages montagnes du Cantal, ni M. Trochu sur son domaine de Belle-Ile-en-Mer, ni tant d’autres hommes dont nos concours régionaux signalent chaque année les pacifiques victoires, n’auraient pu faire accomplir par un fermier les fructueux travaux auxquels ils doivent l’augmentation de leur fortune. Dans toute grande entreprise, il subsiste en effet un côté aléatoire et une nécessité d’assez longue attente auxquels le plus souvent des fermiers auraient tort de souscrire. Leur métier n’est pas de faire la fortune des autres en risquant leur propre épargne ; il est de gagner de l’argent en courant le moins de dangers possible. Quand donc il s’agit de terres à mettre ou à remettre en bon état de culture, le propriétaire n’a d’autre parti à prendre que d’aborder directement son œuvre, s’il ne veut pas consentir à des conditions largement avantageuses pour l’entrepreneur qui assumerait sur lui les risques de l’affaire.

Si les multiples détails et la régulière surveillance qu’entraîne une exploitation rurale répugnent trop à certains esprits, on a la ressource de la régie, c’est-à-dire de ce système mixte qui consiste à confier tous les soins à un tiers avec lequel on s’est préalablement entendu sur le but à atteindre et sur les capitaux à dépenser. Le nombre de riches familles qui sont exposées par la rigidité, honnête ou non, de leurs régisseurs aux mauvais sentimens des populations qui les entourent ne nous parle guère en faveur des régies. Il ne faut pas d’ailleurs se dissimuler, en laissant hors de cause la fidélité