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Cette modeste qualité, dont l’action est si salutaire, se retrouve à différens degrés chez tous les lauréats.

Pour résumer en quelques mots les remarques qui précèdent, on peut dire que l’exploitation directe par un grand ou un moyen propriétaire n’est profitable que si elle est assez suivie et assez sérieuse pour devenir l’occupation principale de la vie, et que les bénéfices à en attendre, moindres dans un pays de culture avancée, augmentent partout en raison directe du capital consacré aux améliorations foncières et de l’état d’infériorité dans lequel se trouvait le domaine dont on s’occupe. Quelle que soit l’habileté du propriétaire, quelque bien approprié aux besoins de l’exploitation que soit le mode choisi, la réussite ne dépend pas toujours de lui seul. Par ses propres travaux, par ceux de son fermier, ou de concert avec celui-ci, devenu son associé grâce au métayage, le propriétaire a pu développer la fertilité et la valeur de son domaine. Néanmoins un tiers puissant intervient toujours, qui, dans le succès des entreprises agricoles et le développement des richesses foncières, joue un rôle singulièrement actif, quoique étranger en apparence à la gestion des intérêts et des opérations dont il s’agit. Ce tiers redoutable, c’est le gouvernement. Qu’importe de bien préparer la terre, si de mauvaises mesures administratives nuisent au prix de vente des récoltes, si des charges excessives en rendent onéreuse la culture ? Comment ne pas se décourager, si des protections trompeuses en cas d’abondance et aboutissant en cas de cherté à un complet sacrifice, si des guerres nombreuses, si de constantes anxiétés fondées sur le mauvais emploi des ressources publiques ou sur l’imprévu d’une politique fantasque, nuisent au commerce et aux affaires ? Un pays qui expose ses cultivateurs à des charges trop lourdes ou à des crises trop profondes, trop fréquentes, ne doit point s’étonner si, malgré des apparences parfois brillantes, la richesse générale cesse de croître, si la gêne fait des progrès dans les classes mêmes qui devraient créer la fortune publique, et si par conséquent, à un moment donné, le masque tombe pour laisser voir des plaies dont on ne soupçonnait pas la gravité. L’agriculture française a déjà vu de ces jours douloureux. Dieu fasse que de pareilles épreuves ne lui soient jamais plus imposées !

Après avoir ainsi examiné dans leurs traits principaux et leurs conditions essentielles les divers modes d’exploitation qui régissent la propriété rurale, ne pourrait-on pas tirer également de ce travail quelques conclusions d’un ordre plus élevé ? Une plume élégante a déjà, dans la Revue, rappelé l’ascendant politique dont jouissent en Angleterre les riches propriétaires qui surveillent eux-