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apprend que les derniers proscrits traqués par les défrichemens et la levée en masse étaient encore des métis. Ce témoignage est d’autant plus probant qu’il est donné presque involontairement par un auteur que la question anthropologique ne préoccupe guère, et qui se borne à mentionner en passant ce qu’il a rencontré en s’occupant d’autre chose. — En présence de ces faits, les polygénistes renonceront, je pense, à chercher en Australie et sur la terre de Van-Diémen des exemples d’unions croisées infécondes entre groupes humains.

Les métis provenant de ces unions fourniront-ils du moins des argumens réels aux polygénistes ? En particulier, les mulâtres fils du nègre africain et de l’Européen présentent-ils les caractères que nous avons reconnus aux hybrides ? Sont-ils assez peu féconds entre eux pour qu’une population mulâtre, abandonnée à elle-même, doive nécessairement disparaître en peu de temps ? Ici encore laissons parler les faits. — Les plus graves incontestablement, et ceux aussi sur lesquels insistent le plus les polygénistes, ont été recueillis à la Jamaïque par le docteur Long, et dans quelques états du sud de l’Union américaine par Nott lui-même. D’après Long, la plupart des mariages entre mulâtres dans l’île dont il parle seraient à peu près complètement stériles, et il n’aurait jamais entendu dire que des enfans issus d’un semblable mariage eussent vécu jusqu’à l’âge adulte. Lewis nie expressément la stérilité des mulâtres, mais il semble s’accorder sur le second point avec Long, puisqu’il ajoute que leurs enfans ont peu de vitalité[1]. Quant à Nott, voici quelques-unes des propositions qu’il formule au début de son travail, et qu’il donne comme étant le résultat de ses recherches et de sa pratique médicale : « Les mulâtres sont de toutes les races humaines celle qui à la vie la plus courte ; les mulâtresses sont particulièrement délicates : elles sont mauvaises reproductrices, mauvaises nourrices, sujettes aux avortemens, et leurs enfans meurent généralement en bas âge, Lorsque les mulâtres se marient entre eux, ils sont moins féconds que lorsqu’on les croise avec une des souches primitives. »

Pour répondre à ces affirmations si précises, nous pourrions invoquer le témoignage d’un grand nombre de voyageurs qui insistent en particulier sur la fécondité des mulâtresses. Nous choisirons celui de M. Hombron, le collaborateur de M. Jacquinot, et polygéniste aussi décidé que l’auteur américain lui-même. Voici comment il s’exprime[2] : « Pendant les quatre années que j’ai passées au Brésil, au Chili et au Pérou, je me suis amusé à observer le singulier

  1. J’emprunte ces détails au livre de M. Broca, n’ayant pu me procurer ni l’ouvrage de Long, ni celui de Lewis.
  2. De l’Homme dans ses rapports avec la création. Voyage au pôle sud.