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du nègre, se croisent plus aisément avec celui-ci, et donnent des produits plus robustes et plus féconds. M. Broca, avec un peu plus de réserve que l’auteur américain, arrive sur toutes ces questions à des conclusions exactement pareilles, et admet de même que la race anglo-saxonne produit par son croisement avec le nègre des métis inférieurs en fécondité à ceux des races caucasiques à teint plus ou moins foncé.

Quand tous ces faits seraient vrais, quel argument les polygénistes pourraient-ils en tirer en faveur de leur doctrine ? Ne voyons-nous pas chaque jour que les races d’une même espèce domestique ne se croisent pas entre elles avec la même facilité, ne donnent pas naissance à des produits également bons ? Ce fait est connu de tous les éleveurs, et il ressort d’ailleurs des principes généraux qui président à la formation des races. Alors même que le nègre serait plus apte à se croiser avec l’Espagnol ou le Français qu’avec l’Anglo-Saxon, il ne s’ensuivrait donc nullement que les trois groupes formassent trois espèces ; mais ce fait n’est même point exact, et, dans des concluions favorables, l’Anglais procrée des mulâtres robustes et vivaces tout aussi bien que les peuples du midi de l’Europe. Nott lui-même nous en fournit la preuve.

En effet, si la Louisiane a été colonisée par une race latine, si l’on peut attribuer à celle-ci, fort gratuitement il est vrai, tous les mulâtres bien portans qu’elle renferme aujourd’hui, il n’en est pas de même de la Floride et de l’Alabama. On sait que la première n’a jamais été pour l’Espagne qu’une colonie de nom. Les voyages de Bartram sont là d’ailleurs pour témoigner de ce qu’était cette contrée dix ans encore après qu’elle eut été cédée à l’Angleterre[1]. Partout elle était occupée par les indigènes, au milieu desquels pénétraient quelques rares trafiquans de race anglaise. Les colons du San-Juan appartenaient au même peuple, et enfin c’est en anglais que les Indiens saluaient le voyageur à son arrivée à Talahasochte. À moins de contester l’évidence, il faut bien reconnaître que c’est la race anglo-saxonne qui a colonisé et peuplé de blancs la Floride. Il en est de même de l’Alabama, cette ancienne patrie des Kreeks supérieurs. Sa population blanche lui est venue en entier des États-Unis. Les mulâtres qu’on rencontre dans ces deux contrées se rattachent donc au moins tout autant à la race anglo-saxonne que ceux de la Louisiane tiennent à la race française, et nous avons vu que Nott lui-même les place au même rang pour la vitalité, pour la fécondité.

  1. L’Espagne céda la Floride à l’Angleterre en 1763 ; elle la recouvra pour quelques années, mais ne songea même pas à rétablir les postes fortifiés qu’elle y possédait autrefois, et dont Bartram rencontra les vestiges. Les voyages de celui-ci commencèrent en 1774.