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temporel est passé. Si nous voulons être plus circonspects, avouons, sans détour, en alléguant les obstacles moraux et imprévus qui se sont dressés contre nous, que nous n’avons pas pu tenir les promesses que nous avions faites ; mais alors soyons plus modestes, et surtout ne nous fâchons point contre ceux qui croyaient que nous pouvions tout, dont les sentimens se sont passionnés au brûlant démenti que le discours du prince Napoléon a donné à leurs dernières espérances, et qui exhalent en plaintes bien naturelles le chagrin de leur déception.

Il n’est pas nécessaire que nous nous étendions sur les questions de principes que le débat a soulevées. Nous avons abordé ces questions, et nous avons exprimé, avant la discussion des chambres, les principes dont s’inspire le parti libéral français et européen dans l’appréciation des affaires romaines. Aucun incident de la discussion, pas plus la fougueuse harangue du prince Napoléon que l’habile discours de M. Barthe, pas plus les improvisations des ministres sans portefeuille que les discours ardens et médités de MM. Kolb-Bernard, Plichon et Keller, n’a modifié nos opinions antérieures. Le pouvoir temporel du pape étant, pour le moment du moins, inconciliable avec les vœux unanimes des populations romaines et de l’Italie, aucun intérêt, ni l’intérêt religieux ni l’intérêt français, ne nous paraît pouvoir être invoqué avec justice pour faire violence aux vœux de tout un peuple. Nous ne croyons à la réalité ni de l’intérêt religieux ni de l’intérêt français que l’on oppose à la médiatisation des États-Romains et à l’unité de l’Italie, s’il plaît à l’Italie de se constituer en un seul grand état. Si nous avons trouvé une force relative dans l’argumentation des députés catholiques lorsqu’ils ont critiqué la conduite suivie par le gouvernement français dans les affaires d’Italie, nous déclarons que nous n’avons rencontré aucune idée neuve dans leur apologie du pouvoir temporel. Les opinions outrées qu’ils ont soutenues pour défendre la souveraineté des papes nous ont plutôt confirmés dans la conviction où nous sommes que le pouvoir temporel inflige au catholicisme des solidarités funestes. En fin de compte, ils viennent tous échouer dans l’argument légitimiste, dans la négation du droit qu’ont les peuples de changer leurs gouvernemens, négation repoussée énergiquement par le génie des sociétés modernes. Or quelle serait la conséquence de ce droit immuable des souverains que la plupart des sociétés européennes ont effacé de leurs constitutions, si on voulait l’attacher indissolublement à la tiare romaine ? Le pontificat temporel et par lui le catholicisme s’identifieraient à jamais avec le droit divin des couronnes, c’est-à-dire avec celle des prétentions du despotisme qui est la plus usée, la plus faible, la plus antipathique au monde actuel. C’est par un malentendu routinier que le passé peut expliquer, mais que l’intelligence de la civilisation moderne ne tolère plus, que des esprits honnêtes et éclairés s’obstinent à placer dans le pouvoir temporel des papes la garantie de la liberté des consciences catholiques. Quelle liberté entendent-ils ? Est-ce celle du pape lui-même ? Mais leur foi ne leur enseigne-t-elle point que la conscience des papes demeure