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le soin de la police, et change ainsi en moyen de conciliation ce qui est ordinairement un instrument de lutte : quels traits singuliers pour une révolution ! mais en même temps quel acheminement à la paix ! quels pas faits des deux côtés et par instinct vers une transaction nécessaire ! Tout a été étrange, nous l’avouons, dans les événemens de Varsovie : ce qui serait aussi étrange, mais ce qui serait encore plus heureux qu’étrange, c’est que ces événemens pussent continuer avec le même caractère, et inaugurer l’accord difficile, mais non point impraticable, de la Pologne et de la Russie sous le même prince, avec des mœurs et des institutions différentes.


SAINT-MARC GIRARDIN.


AFFAIRES D'ESPAGNE.

Les affaires de l’Espagne sont heureusement affranchies de ces troubles qui ont si longtemps et si souvent tout suspendu au-delà des Pyrénées, et qui ont eu, il y a un an, leur dernier retentissement dans cette triste échauffourée de San-Carlos de la Rapita, devenue si promptement une déroute pour le parti carliste avant d’être un combat. Les opinions extrêmes sont pour le moment assez impuissantes, et la moins impuissante à coup sûr n’est pas l’opinion carliste. Depuis sa dernière tentative en effet, le parti carliste est en proie à une véritable désorganisation, que la mort récente, autant qu’imprévue, du comte de Montemolin et de son frère don Fernando est venue mettre dans tout son jour, et que précipitent encore aujourd’hui les excentricités démocratiques du dernier fils de don Carlos, de l’infant don Juan, le même qui, il y a quelques mois, abdiquait ses droits sur la couronne de Naples en faveur du roi Victor-Emmanuel, tandis que la reine Isabelle réservait ceux de sa maison. Quant au parti révolutionnaire, qui s’inquiète peu de l’alliance de l’infant don Juan, on ne sait ce qu’il pourra tenter dans l’avenir ; dans les conditions actuelles, il ne peut qu’attendre, se renfermer dans le cercle légal et constater par instans qu’il vit toujours, comme il essaie de le faire par l’organe d’un député, homme de talent, M. Rivero. Toutefois, si les affaires de l’Espagne sont pour le moment à l’abri des irruptions violentes des partis extrêmes, elles ne sont pas exemptes des difficultés inhérentes à la vie publique d’un pays qui a été longtemps soumis à toutes les épreuves intérieures.

Il y a plus de deux ans déjà que le général O’Donnell, aujourd’hui duc de Tetuan, est remonté au pouvoir avec la pensée de représenter une politique nouvelle, de fonder un parti nouveau au milieu de tous les anciens partis constitutionnels décomposés et d’imprimer aux affaires de l’Espagne une direction à la fois libérale et conservatrice. C’était la pensée de l’union libérale, dont on a si souvent parlé. Le général O’Donnell a-t-il réussi ? Il a eu sans doute le bonheur de trouver dans la guerre du Maroc un nouveau prestige militaire qui a singulièrement servi à couvrir le ministère, à le faire