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yedra. Cette plante vénéneuse produit, quand on la touche, des effets singuliers sur l’organisme. La peau rougit, se gonfle et se couvre même de boutons. Portée à la bouche, une feuille de la yedra peut empoisonner tout à fait. Le vent répand parfois au loin les émanations de cet arbrisseau malfaisant, et des villes entières se trouvent alors sous le coup d’une épidémie d’un nouveau genre. La flore dont on vient de parler disparaît après une certaine limite, et sur les plus hautes cimes, sur les plateaux élevés, se montrent les mélèzes, les cèdres et les sapins rouge et blanc. Ceux-ci sont utilisés comme bois de charpente, de construction et de mâture. Au milieu d’eux ont poussé ces cyprès gigantesques que leurs dimensions colossales rendent contemporains de la création, et dont on peut voir un spécimen au palais de cristal de Sydenham.

La faune californienne n’est guère plus intéressante que la flore, au moins pour le naturaliste. Le règne animal, à ne considérer que les espèces indigènes, est principalement représenté par des êtres inoffensifs, dont la chasse offre au mineur une de ses plus agréables distractions. Ce sont les lièvres, dont le jack-ass aux oreilles d’âne forme le type le plus curieux, les lapins sauvages, les écureuils de bois et de terre, le putois à l’odeur pénétrante, les perdrix grises et huppées, les coqs de bruyère, les faisans dorés, les oiseaux-mouches, les charpentiers. Ces deux oiseaux méritent une mention particulière. À une certaine époque de l’année, le charpentier fouille de son bec, comme avec une tarière, l’écorce tendre des pins, et c’est ce qui lui vaut son nom. Dans chacun des trous de forme conique ainsi creusés, il dépose un gland qu’il va cueillir sur un chêne, préparant ainsi sa provision pour l’hiver. Il n’est pas rare de rencontrer des troncs entiers de pins tapissés de la sorte ; mais souvent il arrive que l’Indien dévalise, pour son usage personnel, les magasins du charpentier. Il enlève les glands et les mange. Quant à l’oiseau-mouche, il se montre souvent dans les jardins de San-Francisco, surtout le matin et au déclin du jour. Il becquette les fleurs, mais s’enfuit au plus léger bruit, à l’arrivée même d’un autre oiseau-mouche. Suspendu au calice des roses, il s’enivre d’ambroisie, faisant entendre le battement rapide de ses ailes. On dirait le bourdonnement d’une mouche, et c’est peut-être autant de ce fait que de son extrême petitesse que cet oiseau tire son nom. Les seuls animaux dangereux qu’on rencontre en Californie sont quelques tarentules, des ours, dont l’attaque est parfois terrible, enfin certains crotales ou serpens à sonnettes. Le nombre des vertèbres de l’appendice osseux qui termine la queue des crotales marque leur âge, et leur morsure est d’autant plus à craindre qu’ils sont plus âgés. Roulés l’été dans la poussière des chemins, ou cachés sous des feuilles mortes, ils ne sont visibles que lorsqu’on marche dessus. Aussi n’est-il pas prudent de s’aventurer à pied dans les bois, et même sur les routes, sans porter des bottes. Le bruit que le serpent à sonnettes fait entendre quand il se meut rappelle celui du parchemin froissé, et il est