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voyageurs préfèrent la malle de terre à la voie de mer, malgré les incommodités de la voiture et les attaques imminentes des Indiens du désert. Le voyage est des plus fatigans ; on marche jour et nuit, et l’on ne s’arrête dans les stations échelonnées sur la route que le temps strictement nécessaire. L’eau manque sur une certaine longueur du parcours, et il faut l’emporter avec soi, ainsi que la nourriture des chevaux.

La Great overland Mail n’est pas la seule entreprise de ce genre : en 1859, on comptait aussi la Central overland Mail, qui, chaque semaine, partait de Placerville, au pied de la sierra, dans le comté d’Eldorado. Elle se dirigeait d’abord vers le Lac-Salé, où les mormons polygames, ces curieux et étranges sectaires, ont établi leur campement, et de là vers Saint-Joseph, au bord du Missouri. Cette voie semble dès aujourd’hui destinée à devenir la principale, c’est celle que les émigrans qui arrivent par terre suivent maintenant de préférence, celle aussi vers laquelle se porte la population. Les mormons d’abord, ensuite les mineurs de Washoe, se sont naturellement trouvés sur le parcours qu’elle suit. Un entrepreneur a offert récemment au gouvernement fédéral de n’employer pas plus de vingt jours sur cette voie pour le transport des lettres et des voyageurs, de Placerville à Saint-Joseph ou à Saint-Louis.

Parmi les services de terre, il faut encore nommer le San-Antonio and San-Diego Mail, qui part tous les quinze jours du sud de la Californie pour la Nouvelle-Orléans. Cette dernière route est très dangereuse, et les attaques sauvages des Indiens Apaches ont souvent mis les voyageurs en péril. Un quatrième service a dû être organisé en 1860, celui de Indépendance and Santa-Fe Mail, qui va de Stockton à Santa-Fe (Nouveau-Mexique), et de là par l’Arkansas à Independence, sur le Missouri.

Il n’y a sans doute aucun pays au monde, pas même la Russie, qui puisse présenter un état aussi imposant de messageries de terre, et cependant les Américains sont loin de s’en tenir là. Un journal de Californie annonçait, au mois d’août 1860, qu’un service quotidien entre San-Francisco et Portland, dans l’Oregon, venait d’être établi par terre. La distance n’est pas moindre de 800 milles ; mais ce qui dépasse toute imagination c’est le service du poney, organisé vers cette même époque. Le poney est une estafette à cheval chargée d’apporter les lettres à travers les immenses solitudes qui séparent encore le Mississipi du Pacifique. En temps régulier, le trajet se fait en dix ou douze jours de Saint-Louis à San-Francisco. Une fois le pauvre poney est arrivé sans selle et sans cavalier. Les Indiens avaient massacré l’estafette, lacéré les dépêches et s’étaient emparés de la selle. « Il n’importe, dirent lev Yankees, never mind, il ne faut pas s’arrêter en si bonne voie, » et quelques braves volontaires de Californie coururent châtier les Indiens. Quelques jours après, de courageux postillons reprenaient la route du Mississipi, bravant les hordes sauvages des peaux rouges. Le go ahead des Américains a-t-il jamais reçu une plus saisissante application ?

On a calculé que, par le service du poney, on pouvait franchir en cinq