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plus ou moins d’élémens, dix par exemple. À quel antécédent chaque conséquent est-il joint ? Le premier conséquent est-il joint au premier antécédent, ou bien au troisième, ou bien au sixième ? Toute la difficulté et toute la découverte sont là. Pour résoudre la difficulté et pour opérer la découverte, il faut éliminer, c’est-à-dire exclure les antécédens qui ne sont point liés au conséquent que l’on considère. « La méthode de différence, dit Mill, a pour fondement que tout ce qui ne saurait être éliminé est lié au phénomène par une loi. La méthode de concordance a pour fondement que tout ce qui peut être éliminé n’est point lié au phénomène par une loi. » La méthode des résidus est un cas de la méthode de différence ; la méthode des variations concomitantes en est un autre cas, avec cette distinction qu’elle opère, non sur les deux phénomènes, mais sur leurs variations. En définitive, il ne s’agit jamais que de former des couples, et on ne les forme qu’en les isolant.


VI

— Ce sont là des formules ; j’aimerais mieux un fait.

— En voici un ; vous allez voir les méthodes en exercice ; il y a un exemple qui les rassemble presque toutes. Il s’agit de la théorie de la rosée du docteur Well. Je cite les propres paroles de Mill ; elles sont si nettes qu’il faut vous donner le plaisir de les méditer.


« Il faut d’abord distinguer la rosée de la pluie aussi bien que des brouillards, et la définir en disant « qu’elle est l’apparition spontanée d’une moiteur sur des corps exposés en plein air, quand il ne tombe point de pluie ni d’humidité visible. » La rosée ainsi définie, quelle en est la cause, et comment l’a-t-on trouvée ?

« D’abord nous avons des phénomènes analogues dans la moiteur qui couvre un métal froid ou une pierre lorsque nous soufflons dessus, qui apparaît en été sur les parois d’un verre d’eau fraîche qui sort du puits, qui se montre à l’intérieur des vitres quand la grêle ou une pluie soudaine refroidit l’air extérieur, qui coule sur nos murs lorsqu’après un long froid arrive un dégel tiède et humide. — Comparant tous ces cas, nous trouvons qu’ils contiennent tous le phénomène en question. Or tous ces cas s’accordent en un point, à savoir que l’objet qui se couvre de rosée est plus froid que l’air qui le touche. Cela arrive-t-il aussi dans le cas de la rosée nocturne ? Est-ce un fait que l’objet baigné de rosée est plus froid que l’air ? Nous sommes tentés de répondre que non, car qui est-ce qui le rendrait plus froid ? Mais l’expérience est aisée : nous n’avons qu’à mettre un thermomètre en contact avec la substance couverte de rosée, et en suspendre un autre un peu au-dessus, hors de la portée de son influence. L’expérience a été faite, la question a été posée, et toujours la réponse s’est trouvée affirmative. Toutes les fois qu’un objet se recouvre de rosée, il est plus froid que l’air.