Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/657

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’origine des temps actuels sur des points différens, dans des centres de création multiples, et nous croyons que les choses se sont passées ainsi ; si nous acceptons cette doctrine, c’est qu’elle traduit les résultats recueillis en dehors de toute controverse par les naturalistes qui, sans songer à l’homme, ont posé les principes de la géographie zoologique par des travaux portant sur plusieurs des grandes divisions du règne animal. Ces naturalistes et ces travaux sont nombreux. Au premier rang, nous rencontrons encore Buffon avec ses belles recherches sur les mammifères, étendues et confirmées par celles de Geoffroy Saint-Hilaire, Desmarets, Isidore Geoffroy, etc. Viennent ensuite MM. Duméril et Bibron, le maître et l’élève, qui ont étudié les reptiles au même point de vue ; Fabricius et Latreille, ces deux princes de l’entomologie ; Maclay, Spence, Kirby, Lacordaire, qui ont également pris les insectes pour objet de leurs investigations ; M. Edwards, dont le travail sur la distribution géographique des crustacés est un véritable modèle, et une foule d’autres savans dont les études ont porté sur des groupes moins étendus. De cet ensemble de recherches ressortent un certain nombre de faits généraux ou de lois auxquels doit évidemment satisfaire, si elle est vraie, la conception d’Agassiz. Or, bien loin qu’il en soit ainsi, il est facile de constater un désaccord complet entre ces lois et la théorie proposée.

Et d’abord, Agassiz a compris les centres de création eux-mêmes comme quelque chose de beaucoup trop absolu. Pour lui, l’influence de ces centres est générale ; elle s’étend à tous les produits d’une région, et établit entre eux des rapports étroits, qu’ils appartiennent à la terre ferme, aux fleuves ou aux rivages. Dans ses idées, hommes, plantes, oiseaux, mammifères, insectes, poissons et crustacés marins ou fluviatiles, etc., sont tous frères, en ce sens qu’ils sont les enfans d’un même sol. Il semble que l’auteur voie dans les formes humaines, animales ou végétales, le produit d’une force locale unique imprimant sur tous les êtres une sorte de cachet qui atteste leur communauté d’origine. Or cette donnée est inexacte. Si elle semble se vérifier sur quelques points du globe et lorsqu’on rapproche seulement un très petit nombre de groupes, elle se trouve en défaut aussitôt qu’on tient compte de tous. La Nouvelle-Hollande par exemple, dont les mammifères se séparent si nettement de ce qui se voit partout ailleurs, et qui à ce point de vue forme avec quelques petites îles voisines une région si spéciale, perd ce caractère dès que l’on compare ses insectes avec ceux de la Nouvelle-Zélande et de la Nouvelle-Calédonie. Au point de vue de la mammalogie, elle forme un centre parfaitement distinct et isolé ; au point de vue de l’entomologie, elle a été réunie par M. Lacordaire à la grande île, à