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et subdivise encore celles-ci, comme le font d’ailleurs tous les naturalistes quand il s’agit des grands centres de création. Dans le courant de son travail, et surtout dans les publications qui ont suivi, il reconnaît avec raison que l’homme américain présente des modifications nombreuses ; chacune de ces modifications caractérise pour lui une de ces races qu’il a rendues aussi semblables que possible à des espèces. Eh bien ! si ces races ont été créées sur place, si elles sont le produit de la même force locale qui a donné naissance aux animaux de la même région, elles doivent » pour rester fidèles aux lois de la géographie zoologique, présenter avec celles des autres centres de création des rapports exactement pareils à ceux qui unissent les espèces animales. Or on constate précisément le contraire, et cela en Amérique même, dans la contrée où la doctrine que nous combattons a pris naissance.

En effet, que nous apprennent encore les zoologistes qui, en dehors de toute autre préoccupation, ont étudié la répartition des animaux ? Tous s’accordent à déclarer que, dans l’ancien et le nouveau continent, non-seulement les contrées boréales, mais encore les régions tempérées présentent, quant aux populations zoologiques, des ressemblances frappantes. L’Amérique du Nord possède un grand nombre de genres, plusieurs espèces même, qui lui sont communs avec l’Europe d’une part, avec l’Asie de l’autre ; dans l’Amérique du Nord comme dans l’Europe et l’Asie, on rencontre presque toujours les mêmes types, et cela jusque chez les mammifères, c’est-à-dire chez la classe la plus élevée en organisation. L’Amérique méridionale au contraire, comparée soit à l’Asie, soit à l’Afrique, constitue un centre zoologique des plus distincts. Des types caractéristiques se montrent de tous côtés ; les genres communs diminuent dans une proportion énorme, et nous ne trouvons que peu ou point d’espèces communes. — Ainsi considérée comme centre de création animale, l’Amérique du Nord se confond presque avec l’Europe et l’Asie, tandis que l’Amérique du Sud se sépare complètement de l’une et de l’autre, aussi bien que de l’Afrique.

Lorsque l’on considère ces deux moitiés du Nouveau-Monde comme centres de création humaine, c’est le contraire que l’on observe. Bien que l’homme à peau rouge des États-Unis soit beaucoup moins isolé des autres races que ne l’admettent en général les polygénistes, il n’en reste pas moins le type humain le plus caractérisé du nouveau continent, et voilà pourquoi Agassiz l’a figuré comme représentant les populations de son royaume zoologique américain. Eh bien ! il habite précisément cette Amérique du Nord[1] où vivent le renard et le

  1. Les peaux-rouges ne peuplent pas d’ailleurs à eux seuls l’Amérique du Nord. Là comme partout, il y a des mélanges de races ; nous reviendrons tout à l’heure sur cette question.