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intellectuelles et morales que par ses caractères physiques[1] ; son culte national, celui de la mer et des astres, rappelle les croyances religieuses de quelques-uns des peuples les plus civilisés de l’Amérique ; ils n’ont adopté du bouddhisme que la secte la plus pure et la plus élevée. De ces faits et de bien d’autres encore, il résulte que, sans sortir presque de ces parages, on trouverait peut-être de quoi expliquer tout ce que les traditions américaines racontent sur les origines des principales nations de ce pays, tout ce que nous ont appris les patientes recherches des hommes trop rares qui ont étudié sérieusement la mystérieuse histoire de ces populations.

Nous avons dit que l’Asie pouvait avoir communiqué avec l’Amérique par d’autres voies, et nous tenons à montrer qu’il en a été réellement ainsi. La Californie est le seul point dans cette partie de l’Amérique où les indigènes aient le teint presque noir. Cette circonstance, qui naguère pouvait paraître extraordinaire, s’explique tout naturellement par l’existence du courant de Tessan. Celui-ci a pu amener jusque sur ces bords éloignés des canots portant des nègres océaniens, comme nous avons vu qu’il y entraînait les navires abandonnés. En tout cas, c’est lui sans doute qui facilitait entre l’Amérique et l’Asie les communications dont de Guignes et M. de Paravey ont retrouvé les traces dans les ouvrages chinois. Les résultats auxquels sont arrivés sur ce point les savans français ont été vivement combattus ; mais il n’est guère permis d’en contester l’exactitude en présence du témoignage si net de Gomara. Ce fidèle compagnon de Cortez, en racontant l’expédition de Vasquez de Coronado, qui remonta jusqu’au-delà du 37e degré de latitude, c’est-à-dire jusqu’à Monterey environ, rapporte que les Espagnols trouvèrent près de la côte des navires à proues dorées et à vergues argentées[2], chargés de marchandises. Les gens qui les montaient firent entendre par signe qu’ils étaient en mer depuis trente jours. Les Espagnols en conclurent que ces vaisseaux venaient de la Chine ou du Japon, et nous ferons comme eux.

Il est encore mieux établi que l’élément blanc européen a pénétré directement en Amérique. Sans même parler des prétentions

  1. La Pérouse, après avoir parlé de leur intelligence, de la gravité de leurs manières, de la noblesse de leurs gestes, ajoute : « S’ils étaient pasteurs et avaient de nombreux troupeaux, je ne me formerais pas une autre idée des usages et des mœurs des patriarches. » Malheureusement cette race si curieuse, dont il est fait mention dans les annales chinoises sous le nom de barbares velus, est de nos jours en pleine décroissance. C’est une de celles sur lesquelles il faut se hâter de recueillir des renseignemens pendant qu’il en est temps encore.
  2. Ce détail sur les proues dorées pourrait bien tenir aux habitudes du temps et être de pure invention ; mais il ne détruit pas la valeur du fait lui-même, si simplement raconté par Gomara.