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armée de matelots qui alla en phalange serrée porter à Westminster une de ces monstrueuses pétitions où les signatures se comptaient par myriades. La majorité parlementaire ne se laissa pas intimider par cette démonstration, et bien qu’on entende encore parfois les plaintes de quelques armateurs routiniers, la spéculation maritime, ainsi que la construction des navires, est plus active et plus florissante que jamais.

Après tant de mesures prises pour procurer au peuple l’abondance et le bon marché des vivres, on avisa au moyen de multiplier les logemens et d’en abaisser le prix. L’Angleterre fournit peu de bois pour ; les bâtimens. Avant 1842, cet article était frappé d’un droit moins fiscal que prohibitif : il dépassait 50 pour 100 de la valeur réelle. Il a été successivement abaissé jusqu’à 10 pour 100, et si l’on conserve encore cette taxe, c’est comme une prime d’encouragement tendant à provoquer le reboisement du pays. Les briques, dont l’emploi est très considérable, supportaient un droit d’excisé de 7 à 12 fr. 50 cent, par mille, selon la grandeur. En 1850, le trésor abandonna une douzaine de millions qui lui revenaient de ce chef. L’impôt sur les portes et fenêtres, invention de Pitt, que ses adversaires du continent lui ont prise, était ébranlé en Angleterre par de vives critiques : on lui reprochait son défaut de proportionnalité et sa fâcheuse influence sur le plan des constructions civiles ; mais il avait le mérite de rapporter 47 millions de francs. On en fit pourtant le sacrifice en établissant un droit fixe sur les locaux habités à raison de 3 fr. 50 cent, pour 100 sur les demeures particulières, et de 2 fr. 40 cent, pour 100 sur les maisons destinées au commerce ou au travail agricole, avec affranchissement complet pour les habitations d’un produit net inférieur à 500 francs. Cette compensation était bien insuffisante, puisqu’elle ne devait rendre au trésor que 15 millions par an. Aussi le parti tory essaya-t-il l’année suivante de faire abaisser à 250 francs la limite de l’exemption, par ces motifs que les maisons louées au-delà de 500 francs ne se trouvent guère que dans les villes ou dans les centres de production, et que, même dans la classe aisée, un grand nombre de familles n’étaient pas atteintes par l’impôt, en raison de la modicité des loyers et de l’instinct qui porte chacun à s’isoler avec les siens dans une maisonnette. Cette critique, quoique assez raisonnable, ne fut pas prise en considération, et on maintint le chiffre qui affranchissait en effet la généralité des citoyens, comme pour mieux montrer qu’il n’y avait pas à marchander pour améliorer le régime de la multitude.