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banques sont, comme on sait, très multipliées dans l’empire britannique et sous les formes les plus diverses. L’entente cordiale de la banque privilégiée avec les grands établissemens privés qui l’entourent, la concurrence que se font toute sorte de comptoirs dans les provinces, où l’émission des billets n’est pas défendue, le système très libéral appliqué en Écosse, la facilité de circulation résultant de l’usage presque général des chèques, tout cela suffit à une ample distribution de crédit, et le public ne désire pas mieux pour le moment. Il arrive bien de temps en temps qu’une crise monétaire jette dans le pays l’alarme et la souffrance. On soupçonne alors que les banques y sont pour quelque chose. Les victimes gémissent, les pouvoirs s’émeuvent. On installe des commissions d’enquête ; on fait des plans de réforme. Comme après une bataille, les plaies des blessés se referment ; les morts sont vite oubliés. Les sommités du monde financier, n’ayant pas à se plaindre du régime en vigueur, affirment qu’il deviendra parfait avec quelques changemens de détail. C’est ce qu’on a vu en 1857, et il en sera encore ainsi à chaque crise, jusqu’à ce que l’exercice du free trade ait mis en évidence les côtés faibles du système actuel. Alors une agitation pacifique s’organisera au sujet du crédit, et les banques britanniques seront modifiées conformément aux exigences d’une franche liberté commerciale.

Après une quarantaine d’années de controverses et d’expériences, si l’on prend pour point de départ la pétition des marchands de Londres, les idées s’étaient éclaircies, et les changemens qui paraissaient au début n’intéresser que les ateliers et les comptoirs avaient pris la consistance d’un système politique. Qu’on relise l’admirable discours dans lequel M. Gladstone a développé le plan financier motivé par le traité de commerce avec la France. L’expédition de Chine, les dépenses pour les fortifications et la flotte, les diminutions de revenu que le traité de commerce doit infliger, vont déranger l’équilibre des budgets : le déficit prévu s’élèverait à 235 millions de francs, s’il ne devait pas être atténué par quelques recouvremens exceptionnels. Est-ce une raison pour suspendre les réformes commerciales ? Bien au contraire. Le ministre y voit un motif pour persévérer. Si le pays s’est tellement enrichi et fortifié qu’il supporte sans broncher les charges du passé et celles du présent, n’est-ce pas au judicieux affranchissement de l’industrie qu’il doit cela ? Le gouvernement français se montre disposé à négocier dans le sens de la liberté commerciale : c’est une rare et précieuse occasion qu’il faut saisir pour simplifier encore les tarifs anglais, pour en effacer, s’il est possible, les dernières traces du régime protecteur. L’exemple de la France fera sensation dans les autres pays, et déterminera un