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peut-être aussi lui sembla-t-il dur de solder, à raison de 6,000 francs (soit 240 liv. sterl.) par jour, cette bande de serviteurs exigeans et mécontens. Lorsqu’ils eurent mis sa patience à bout, il chargea le duc de Buckingham, alors à Paris, d’annoncer à la reine-mère qu’il ne supporterait pas plus longtemps ces ennuis domestiques[1], et le maréchal de Bassompierre fut envoyé tout exprès à Londres pour essayer de concilier à cet égard les vœux contraires des deux royaux époux. La première entrevue de Charles avec le brillant ambassadeur fut aussi orageuse que possible. — Pourquoi ne pas remplir votre mandat jusqu’au bout ? s’écriait le jeune roi. Pourquoi ne pas me déclarer la guerre sans plus de vaines paroles ? — Ce sont les hérauts, sire, qui déclarent la guerre, répondit Bassompierre avec sa présence d’esprit habituelle ; moi, maréchal de France, je la fais. Buckingham, présent à cette scène, s’offrit assez audacieusement comme arbitre-médiateur ; mais les choses étaient allées trop loin pour que sa bonne volonté, d’ailleurs douteuse, pût amener une transaction qui satisfit toutes les parties engagées dans cette querelle intime. Bassompierre repartit ; peu de temps après son départ (juin 1626) ce drame domestique eut le dénoûment qu’on pouvait prévoir. « Le roi, venu dans la chambre de la reine pour lui notifier ses volontés à cet égard, l’y trouva entourée de ses serviteurs, qui dansaient et s’amusaient autour d’elle sans nul respect de l’étiquette. Il la prit par la main et la conduisit dans une pièce reculée où il s’enferma seul avec elle. Lord Conway en même temps avait prié l’évêque français et les autres ecclésiastiques de l’accompagner dans Saint-James-Park. Là, quand il leur eut exposé les motifs que le roi pouvait avoir de trouver à dire à leur conduite, il les informa, dans les termes les plus catégoriques, de l’ordre donné que tous, prêtres et laïques, jeunes et vieux, hommes et femmes, eussent à quitter immédiatement le royaume. » L’évêque fit hardiment valoir ses droits « comme ambassadeur, disait-il, et tenu à ne point quitter, sans un ordre exprès de son maître, la cour auprès de laquelle il se prétendait accrédité. » Les femmes aussi tinrent bon, et l’une d’elles se distingua par la véhémence de ses récriminations et de ses plaintes. Elle est mentionnée dans la Life of Henrietta-Maria comme « une belle et hardie Française (handsome and flippant), qui se fit en cette occasion l’organe de ses compagnes. » Elle se nommait Mme de Saint-Georges, et devait sans doute la place de première dame d’atours (principal lady of the bed-chamber) à sa mère, Mme de Montglat, jadis gouvernante d’Henriette-Marie. Particulièrement signalée à Charles comme l’une des personnes qui avaient le plus contribué

  1. Lettre du 25 novembre 1625, datée de Hampton-Court.