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Venise en 1814. Ses fils venaient de se jeter dans une généreuse aventure dont le dénoûment devait être terrible. Tous deux, ils étaient officiers de marine et ne rêvaient que l’affranchissement de l’Italie. Dès 1842, Attilio Bandiera écrivait à Joseph Mazzini : « Plus je pense aux conditions de notre patrie, plus je me persuade que la voie la plus sûre pour émanciper l’Italie de l’état honteux où elle languit à cette heure est dans le manège ténébreux des conspirations. » Erreur profonde que l’histoire a démontrée déjà depuis longtemps ! le travail de taupe des sociétés secrètes n’a jamais réussi qu’à prolonger l’existence des mauvais gouvernemens. Un an après, les pensées vagues qui s’agitaient dans la tête d’Attilio prennent une forme précise ; il écrit : « Mon idée serait de me constituer sur les lieux condottiere d’une bande politique, de me cacher dans les montagnes et de combattre là jusqu’à la mort pour notre cause. » S’emparer de la frégate la Bellone et aller directement attaquer Messine, tel fut alors son rêve ; son frère Émilio et plusieurs jeunes officiers de marine s’associèrent à ce projet que la police autrichienne ne tarda point à découvrir. Les deux frères s’enfuirent à Corfou ; la femme d’Attilio mourut, bouleversée par l’effroi que lui avait causé une perquisition domiciliaire. La mère des Bandiera, munie pour ainsi dire des pleins pouvoirs de grâces du gouvernement autrichien, qui redoutait l’influence que le nom des deux conspirateurs pouvait exercer sur la révolution italienne, accourut près de ses fils, à Corfou. Ses larmes et ses supplications furent vaines, ses enfans demeurèrent inflexibles. La police anglaise de Corfou veillait sur eux et révélait leurs menées à la police autrichienne, qui en instruisait la police du gouvernement de Naples. Ils étaient vingt qui s’embarquèrent. Le 12 juin 1844, ils partirent et ne touchèrent terre que le 15, à l’embouchure du fleuve Neto, entre Strongoli et Cotrone. Le mot d’ordre était la devise de la Jeune-Italie : Ora e sempre. Ils gagnèrent la montagne, où les attendaient quelques Calabrais armés. Le 18 au soir, s’étant arrêtés dans un bois près de San-Severino pour dormir, ils s’aperçurent tout à coup qu’un des conjurés, Corse d’origine et nommé Pierre Boccheciampe, avait disparu. En effet, resté momentanément en arrière, il avait couru tout d’une haleine jusqu’à Cotrone vendre le nom, le nombre et le projet des conjurés. Ces derniers furent bientôt entourés. Contre cette poignée d’hommes, qui ne comptait pas trente combattans, des régimens marchèrent, et cependant la première attaque ne lui fut pas défavorable : une seconde l’écrasa. On s’empara d’eux ; quelques-uns étaient blessés. Le 23 juin, les prisonniers arrivèrent à Cosenza ; le procès était jugé d’avance. Dès le 11 juillet, six Calabrais compromis avaient été passés par les armes. Le 23 juillet, une sentence condamna tous