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les Abadzas, habitans de la Kouma et de la rive gauche du Kouban ; les Ossètes de la plaine ou Vallaghirs et les Kourtakis leur payèrent tribut, et les contrées entre le Térek et la Soundja, sur la Zolka, la Yétoka et le Podkoumok, ainsi que le mont Beschtaü, leur appartinrent. Lorsque les Kabardiens se donnèrent à la Russie, cette hégémonie fut dissoute, et leurs anciens tributaires tartares ou ossètes furent affranchis au profit des Russes. Pour achever d’abattre leur suprématie, les khans de Crimée soulevèrent contre eux les autres Circassiens. Les Kabardiens furent contraints de céder après de vifs combats dont les exploits sont racontés dans un long poème intitulé Khaz-Bouroun, qui est encore chanté sur l’autre rive du Kouban[1].

Ce fut dans l’impossibilité de tenir tête aux Tartares de la Crimée qu’ils implorèrent l’assistance de la Russie, et qu’ils songèrent à s’en faire un appui. La Russie commençait à prendre de l’ascendant en Orient. Le tsar Jean Grosnyi (Ivan le Terrible), ce prince qui joignit aux excès de la plus affreuse tyrannie l’éclat des succès militaires, venait de renverser les royaumes tartares de Kasan et d’Astrakhan, et s’était rendu maître de tout le cours du Volga et du littoral de la Mer-Caspienne jusqu’au Térek et au Soulak. Le khan de Tarkou, ville appelée alors Tumen et située un peu au-dessous des bouches du Soulak, se vit forcé de recevoir une garnison de strélitz et de Cosaques du Yaïk. les Kabardiens, enrôlés dans les troupes du tsar, se distinguèrent sous ses ordres. Pour les tenir à sa dévotion, le tsar épousa même en 1560 Marie, fille de Temrouk, un de leurs chefs. Sous le règne de son fils Fédor Ivanovitch, dans une expédition dirigée en 1597 contre les montagnards du Daghestan coalisés, les Russes, commandés par les voïévodes Zacékin et Khvorostin, avaient pour auxiliaire le prince kabardien Konklischévitch. Dès ce moment, les souverains de Moscou se regardèrent comme les maîtres légitimes de la Kabarda et en prirent le titre. Parmi les nombreuses qualifications gravées sur leurs sceaux, on lit celle de « seigneur d’Ibérie, de Kartalinie, de Grousie, de la Kabarda et de la Circassie, chef des chefs de la montagne[2]. » En 1717, un autre Kabardien, Békévitch Tclïerkaskii (le Circassien), marcha à la tête de l’expédition envoyée par Pierre le Grand contre le khan de Khiva, et qui eut une si funeste issue par la mort de Békévitch, abusé par

  1. M. de Gilles, Lettres sur le Caucase, Ire partie.
  2. Voyez le sceau du tsar Alexis Mikhaïlovitch dans le Voyage d’Adam Oléarius, t.1er, p. 254 de la traduction de Wicquefort, Amsterdam 1727, in-folio. Les mêmes titres sont reproduits dans la suscription d’une lettre de recommandation donnée par Louis XIV au père Avrillon, de la compagnie de Jésus, et adressée « au seigneur de tous les quartiers du nord, czar de Cartalinio, Grousinie, duc de Kabardin et duc des ducs de Circassie et Géorgie. »