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Aussi pillard que l’Arabe nomade, le Tchetchense a comme lui le culte de l’hospitalité et les vertus de la vie primitive et patriarcale. La vivacité de l’imagination, le jet rapide de la répartie, lui ont valu de la part des Russes le surnom de Français du Caucase. Par ses avantages physiques et l’élégance du costume, il rivalise avec le Tcherkesse. Les hommes se distinguent par la taille élancée et bien prise, la noblesse du maintien et l’agilité des mouvemens. Les agrémens naturels des femmes sont rehaussés par une parure aux couleurs variées et éclatantes ; leurs pieds, chaussés de babouches jaunes, sortent tout mignons des plis d’un large pantalon de soie rouge. Une veste serrée dans le haut, et sous laquelle est une chemise de soie, dessine leur fine taille. Les manches sont retenues par des agrafes en argent, travaillées avec art ; leurs cheveux, nattés en tresses abondantes, retombent derrière leurs épaules, recouverts d’un long voile blanc. Elles vont ordinairement le visage découvert.

Lorsque le Tchetchense est parvenu à la quarantaine, il rompt tout à fait avec l’existence aventureuse et oisive de sa jeunesse : il dit adieu à la gloire militaire, aux chances heureuses de la razzia hardie ; il devient rangé et laborieux, parce qu’il a une famille à soutenir, et s’adonne à la culture des champs et à l’élève du bétail dans les vallées basses qui avoisinent le cours inférieur des nombreux cours d’eau de son pays, vallées parées du riche tapis d’une herbe fraîche et parfumée et d’un luxe de végétation inconnu dans nos climats.


Si les Tchetchenses ne prennent rang dans l’histoire du Caucase qu’à une époque toute récente, les Lezghis au contraire, leurs voisins au sud et leurs alliés, y apparaissent depuis un temps si reculé que l’on peut à bon droit les supposer aborigènes. Pour si haut que l’on remonte dans le passé, on les retrouve fixés dans cet immense massif de roches nues et escarpées qui comprend la majeure partie du Daghestan, et se rattache à la chaîne entière sous la forme d’un triangle appuyant son sommet à la ligne militaire lezghine et sa base aux plaines de la Tchetchenia. Cet espace renferme vingt-cinq ou vingt-six petits états, séparés politiquement, mais réunissant dans un intérêt commun leurs bandes formidables et ardentes au pillage. Hérodote nous a montré les Lygies dans l’armée de Xerxès ; Strabon et Plutarque les connaissent sous le nom de Lèges, que reproduisent les auteurs arméniens du IVe et du Ve siècle ; les écrivains arabes au moyen âge, sous la dénomination de Lezkis ou Lekzis. Les uns et les autres les citent comme une nation sauvage, belliqueuse et puissante.

Pour les contenir, les rois de Perse de la dynastie sassanide firent