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3 de l’article 34 de la loi du 17 décembre 1814, ainsi conçu : « Des ordonnances du roi pourront provisoirement et en cas d’urgence permettre ou suspendre l’exportation des produits du sol, » à la condition de soumettre la question aux chambres dans leur plus prochaine session. On a fait un grand usage depuis quelque temps de cette loi de 1814 ; il serait à propos d’examiner si, dans l’intérêt même du gouvernement, on ne ferait pas bien de l’abroger. Il s’est écoulé près d’un demi-siècle depuis 1814 ; toutes les circonstances économiques ont changé, les lois elles-mêmes se sont modifiées, et ce qui pouvait avoir sa raison d’être au moment où commençait un ordre nouveau peut n’avoir plus aujourd’hui que des inconvéniens. En présentant le projet de loi, le gouvernement manifeste la ferme intention de sortir de ce régime des décrets dont se plaignent si hautement l’agriculture et l’industrie. La loi de 1814, maintient sous main ce qu’il propose tout haut d’abolir. Tout au-moins devrait-on définir l’urgence, pour ne pas laisser planer sur le commerce des céréales, comme sur tout autre, un arbitraire absolu. Il n’y a pas de pire condition pour le commerce que l’incertitude du régime légal, et jamais on n’en a eu plus de preuves que depuis un an.

Deux autres dispositions du projet peuvent donner lieu à des observations. La première porte sur le droit fixe à l’entrée, qui n’est que de 50 centimes par quintal métrique de blé. Ce droit devrait, selon nous, être au moins doublé, pour représenter la part de contribution du blé étranger aux frais généraux de notre organisation nationale. Depuis la lettre impériale du 5 janvier 1860, le gouvernement fait une guerre à mort aux droits de douanes ; 100 millions de recettes annuelles ont ainsi disparu du budget. Ce serait un bien, si 100 millions de dépenses avaient disparu en même temps ; mais comme les dépenses ne font que s’accroître au lieu de diminuer, ces 100 millions, et bien d’autres encore, n’ont fait que changer de forme. Ce que paient en moins les produits étrangers, les produits français doivent le payer en sus. Nous ne comprenons pas, quoique partisans très déclarés de la liberté commerciale, cette faveur accordée aux produits étrangers aux dépens des nôtres. Qu’on efface jusqu’aux dernières traces du système protecteur, rien de mieux ; mais il est bon de maintenir les perceptions fiscales qui ont pour but de répartir uniformément le fardeau de l’impôt. Décharger les douanes pour charger à l’intérieur les contributions, c’est sortir de la justice et de l’égalité, c’est faire de la protection à rebours.

En même temps qu’on réduit à 50 centimes le droit d’entrée sur le froment et le méteil, on affranchit de tous droits le seigle, le maïs,