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sance de la république américaine un élément si utile de l’équilibre maritime, ne peut assister sans regret à la rupture de l’union, et par conséquent à l’affaiblissement de l’élément anglo-américain. Au double point de vue de l’humanité et de l’intérêt français, nous devons donc souhaiter que la politique du nord prévale et que l’union soit maintenue. Les premières déclarations de M. Lincoln donnaient l’espoir que les mesures du nord pourraient assurer ce résultat. Que le nord usât de la supériorité de ses ressources et de ses forces pour conserver ou reprendre les forts ou les propriétés fédérales situés sur les frontières et le littoral des états sécessionistes, qu’il se bornât à bloquer les principales villes maritimes du sud, il est vraisemblable qu’une réaction se serait bientôt produite au sein de la nouvelle confédération, et que les deux parties de la république eussent pu se rejoindre et se ressouder. Pour ne point compromettre cette perspective, il eût été nécessaire d’éviter tout conflit sanglant, et surtout l’invasion de corps d’armée dans les états du sud. Si au contraire la guerre civile s’engage, si le sang coule, la réconciliation ne semble plus possible, et alors, ce semble aussi, quoi qu’il arrive, c’en est fait de l’union. Les états du nord ne sauraient reconstituer l’union que s’ils peuvent y ramener, par une ferme patience, par les mouvemens de l’esprit public et par d’opportunes négociations, les populations des états qui se sont séparés. Quant à les conquérir et à les gouverner comme des états subjugués, il n’y faut pas songer un instant. C’est pour ces motifs que nous voyons avec appréhension l’invasion de la Virginie. Si par malheur on n’évite point les rencontres, si de grands combats sont livrés, c’est la fin irrévocable de l’union. Deux républiques devront se partager l’Amérique, et c’est malheureusement par une inimitié envenimée qu’elles auront inauguré leurs orageuses relations.

La campagne politique ne finit pas bien pour l’Allemagne. Au milieu des événemens qui surprennent et émeuvent le monde, la confédération germanique n’a pas l’air de se douter de ce qui se passe autour d’elle, et consume le temps en puériles querelles et en stériles chicanes. Une correspondance publiée dans un journal anglais, le Daily News, a mis en feu ces jours passés tous les petits états. On le voit, c’est la mode, quand on veut secouer la torpeur d’un état continental, d’emprunter la bouche fulminante d’une gazette anglaise. Le correspondant du Daily News lui envoyait de Francfort une terrible imputation contre les états secondaires ; il accusait ces états de rêver et de travailler à la résurrection de la confédération du Rhin de napoléonienne mémoire. Le patriotisme germanique ne saurait concevoir trahison plus noire. Aussi les états secondaires, que l’on accusait en outre de chercher à s’agrandir aux dépens des états de troisième ordre, se sont-ils défendus par les dénégations les plus indignées. On s’est retourné en leur nom contre les inventeurs de cette horrible calomnie. Les partisans des petits états ont vu là tout de suite une machination du parti unitaire, une création du National Verein, et l’on s’est chamaillé à cœur joie. On en veut au grand-duché de Bade, qui s’est laissé dominer par l’associa-