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moins triste. Cependant le théâtre de l’Opéra-Comique a bien voulu nous donner, le 30 avril, la première représentation d’un opéra en trois actes sous le titre prestigieux de Salvator Rosa. Ce sont MM. Grangé et Trianon qui se sont chargés de mettre en couplets la vie aventureuse de ce bandit bouffon, improvisateur de canzonette, brosseur de grands tableaux de paysage et de batailles remplies de fracasso. Avec un si beau thème, qu’il suffisait de dérouler sur la scène sans grande invention de leur part, les auteurs du libretto de Salvator Rosa n’ont su imaginer qu’une fable insipide, que le musicien n’a su guère réchauffer des sons de sa musique.

C’est pourtant un homme de talent que M. Duprato, un ancien prix de Rome, qui a débuté, il y a quelques années, sur la même scène par un petit opéra en un acte, les Trovatelles, où il y avait de la grâce et d’heureux souvenirs de l’Italie. Ces souvenirs ne se sont pas effacés de la mémoire de M. Duprato, qui en a rempli la partition de Salvator Rosa, où tous les maîtres italiens, Donizetti, Verdi, sont mis largement à contribution, ainsi que M. Auber. Ni l’ouverture, qui est un papillotage sans caractère de toute sorte d’instrumens, ni la chanson de Salvator Rosa, — Sans regret et sans envie, — ni la sérénade d’Antonio, pas plus que le duo pour ténor et baryton qui vient après, ne sont des morceaux qui accusent la moindre originalité. Le finale du premier acte est conçu à la manière de Donizetti, ainsi que tout le second acte, où je n’ai remarqué que les couplets du vieux Capuzzi, qui sont agréablement accompagnés ; mais le finale du second, très bruyant aussi bien que le duo pour voix d’homme qui le précède, rappellent le style de M. Verdi. M. Duprato, qui a du talent et de la facilité, a besoin de prouver qu’il est autre chose qu’un habile compilateur, chantant la brune et la blonde sans regrets et sans remords.

Sylvio-Sylvia, opéra-comique en un acte, paroles de M. Brésil, musique de M. Destribaud, a été représenté pour la première fois le 15 mai et a reçu immédiatement la récompense de ses mérites. J’en dirai presque autant de la Beauté du Diable, opéra en un acte, paroles de M. de Najac, qui représenterait l’ombre d’un auteur célèbre qui, pendant un demi-siècle, a diverti tous les bons bourgeois de France et de Navarre. La musique de la Beauté du Diable est de M. Alary, professeur de chant, accompagnateur docile des prime-donne assolule et correcteur de Mozart pour le compte des vieux ténors italiens. M. Alary, qui n’a pas à beaucoup près le talent et la dextérité de M. Duprato, a les mêmes défauts, et il se rappelle trop fidèlement les idées des autres, de Donizetti, de Verdi, de Rossini et di tutti quanti. Déjà coupable d’un opéra, le Tre Nozze, qui a été donné au Théâtre-Italien il y a une dizaine d’années, M. Alary n’a pas craint de mettre en musique la moitié de la Bible et de faire chanter la vierge Marie con un dolce soriso in bocca ! C’était dans une espèce d’oratorio, la Rédemption, qui a été exécuté au Théâtre-Italien. J’aime mieux la Beauté du Diable, qui ne compromet personne. L’activité est si grande au théâtre de l’Opéra-Comique, qu’après tous les chefs-d’œuvre que nous venons d’énumérer, on y a repris récemment, le 5 juin, les Mousquetaires de la Reine de M. Halévy pour les débuts d’une nouvelle cantatrice, Mlle Listchner, et pour la rentrée, disait l’alfiche, de M. Jourdan. Je ne voudrais pas dire de mal de M. Jourdan, qui est un