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dans sa propre maison. Tant qu’il tient son arc redoutable, il ne craint pas les assaillans ; mais un coup de hache en rompt la corde. « Femme, crie-t-il à Halgerda, vite une boucle de tes cheveux pour tresser une corde à mon arc ! — En as-tu grand besoin ? demande Halgerda. — Notre vie en dépend. — Eh bien donc ! je refuse, répond-elle ; souviens-toi du coup dont tu me frappas naguère ! — Je ne prierai pas longtemps, reprit Gunnar ; chacun se rend illustre à sa façon. » Tel est le récit de la saga, telle est l’héroïne ou plutôt la furie que le nom d’Halgerda désigne ; mais peu importe après tout au public français, qui ne demande à Mme Jerichau qu’une belle peinture, de quelque façon qu’elle soit conçue.

Après MM. Tidemand et Gude et Mme Jerichau, il y aurait encore à apprécier, si l’espace ne nous manquait, les œuvres de M. Jacobsen, peintre danois de genre et d’histoire, de M. Grönland, bien connu au-delà du Rhin pour ses fleurs et ses fruits, de M. Frölich, dont les amateurs ont remarqué, en dehors de l’exposition, les spirituelles illustrations du poème d’Héro et Léandre et des petits poèmes de l’Anthologie. Nous souhaiterions de voir M. Frölich commenter de la sorte notre André Chénier.

Nous regrettons que la difficulté des transports nous ait sans doute privés de quelques œuvres des sculpteurs compatriotes de Thorwaldsen, de Sergel et de Fogelberg. M. Jerichau, directeur de l’académie des beaux-arts à Copenhague, pouvait nous envoyer des morceaux déjà célèbres dans une partie de l’Europe. On se rappelle encore à Rome son groupe colossal d’Hercule et Hébé, exposé en 1846 sur la place du Peuple. Nous connaîtrons sans doute bientôt son Chasseur au Léopard, dont les copies sont répandues en Angleterre, et son Adam et Eve, qui lui a valu une prize-medal à l’exposition de Londres en 1851. Nous souhaitons enfin de voir bientôt exécutée une frise représentant les principales scènes de l’Iliade, et dont l’esquisse, achevée entièrement, témoigne d’une véritable habileté et d’une grande élévation de dessin sévère et classique. M. Bissen, de Copenhague, M. Byström, de Stockholm, avaient envoyé aux expositions dites universelles des" statues et des groupes. L’année prochaine nous promet une de ces grandes exhibitions dans la capitale de l’Angleterre. Probablement nous y verrons réunis tous les principaux ouvrages qu’a produits dans ces dernières années l’école Scandinave. Soit ; à coup sûr, dans le nouveau Palais-de-Cristal de Londres, ces œuvres seront exposées au grand jour de l’opinion : est-ce une erreur cependant de croire qu’une comparaison acceptée avec les œuvres de l’école française au sein même de nos expositions de famille peut éclairer efficacement les artistes étrangers et les servir auprès du vrai public ami des arts en Europe ?


A. GEFFROY.


V. DE MARS.