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glucose commence à se décomposer en alcool et en acide carbonique, qui se dégage en petites bulles. Le mouvement cesse quand tout le sucre a disparu, après un intervalle qui peut varier de vingt-quatre à trente-six heures. Quelles sont les propriétés du ferment dont l’action est si puissante ? . Observée au microscope, la levure de bière paraît formée de petits globules un peu allongés, dont le diamètre varie entre un cinquantième et un centième de millimètre. Ces globules sont des cellules organisées, et sont constitués par une espèce de cryptogames ; placés dans, le liquide sucré, ils y excitent la fermentation, mais ils bourgeonnent en même temps et se multiplient. De nouveaux globules se posent à côté des premiers, et grossissent en formant des rameaux de plus en plus étendus.

La levure est donc un être organisé : chimiquement, elle est constituée par le mélange d’un corps azoté albuminoïde et d’un principe identique à la matière ligneuse du bois ; elle contient de plus des traces de phosphates et de matière grasse. La fermentation alcoolique est hâtée et rendue facile par l’addition directe de la levure de bière ; mais elle s’opère aussi dans les liquides sucrés sous l’influence d’autres matières azotées, lorsque ces substances sont favorables à la production spontanée de la levure et en contiennent les élémens. C’est ainsi que le jus sucré du raisin, clair au moment où on l’exprime, se trouble au contact de l’air et se convertit en alcool, tandis que les matières azotées contenues dans les enveloppes du grain donnent naissance sucrée des matières azotées analogues à l’albumine, certains phosphates et une trace impondérable de levure, celle-ci se développe en empruntant ses matériaux aux substances environnantes ; il n’est pas même nécessaire que ces dernières à la levure, qui se sépare sous forme de dépôt et de pellicule insoluble. Lorsqu’on ajoute à une dissolution soient d’origine organique, il suffit qu’elles contiennent de l’azote : aussi le phénomène se produit encore, M. Pasteur l’a prouvé, lorsqu’on remplace les matières albuminoïdes par des sels ammoniacaux. Chose étrange, l’albumine d’œuf proprement dite est au contraire impropre à fournir les matériaux de la levure.

La naissance et la multiplication de la levure ont fourni des argument aux partisans de la génération spontanée. Il paraît aujourd’hui démontré, surtout par les expériences de M. Pasteur, que ces phénomènes doivent être attribués au concours de l’atmosphère, dont les poussières sont mélangées des semences de cryptogames de même ordre que ceux de la levure. En effet, la fermentation ne se développe pas dans les jus végétaux que l’on fait bouillir de façon à détruire tous les germes qu’y laisse tomber l’atmosphère. Le phénomène n’a pas lieu quand ces liquides sont contenus dans des vases où l’air ne peut pénétrer ou bien ne pénètre qu’après avoir été