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L'ANGLETERRE
ET
LA VIE ANGLAISE

X.
LES THEATRES DE LONDRES. - LE DRAME.



Un des premiers en Europe, le théâtre anglais a puisé aux sources du caractère national et arraché à la nature de la race quelques-unes de ces fortes personnifications qui traversent les âges. La cause de cette supériorité me semble facile à découvrir. L’Anglais n’est point métaphysicien, il a peu de goût pour la vie contemplative, il témoigne pour les utopies et les abstractions une sorte de dédain superbe. Vivant à la fois dans le monde des faits et dans le monde des idées, il ne sépare jamais ces deux forces : penser et agir. Un impérieux sentiment du moi qui, dès la fin du XVIe siècle, s’était dégagé de la lutte avec la nature extérieure, avec les dogmes mystiques et avec les institutions immobiles, avait marqué dans la société anglaise la limite pratique des droits et des devoirs ; . Il y avait un peuple en Angleterre dans un temps où, au point de vue des arts, il n’y avait guère qu’une cour en France. Aux yeux des auteurs dramatiques du siècle d’Elisabeth, toute condition sociale était digne d’intérêt, tout caractère avait une valeur, tout individu était une puissance dans son genre : de là un théâtre qui embrassait les formes variées et les contrastes de la vie humaine. Les luttes de la réforme