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dont la conclusion à l’unisson prouve l’influence de Verdi, et puis les couplets que chante spirituellement Mlle Lemercier. À tout prendre et sans rien exagérer, on ne peut qu’encourager M. de Massa à poursuivre la carrière de nobles loisirs où il est entré. Il y a lieu de remarquer ici que plusieurs représentans des grands noms historiques du premier empire ont cultivé avec assez de succès l’art musical. M. le duc de Feltre et M. le prince de la Moskowa ont été des amateurs fort distingués.

Le Théâtre-Italien a fermé ses portes, et la saison de ses ramages est finie pour la ville de Paris. La campagne qu’il a fournie depuis le mois d’octobre dernier n’a eu ni un grand éclat, ni beaucoup d’intérêt. Un seul ouvrage nouveau, un Ballo in maschera, de M. Verdi, y a été donné avec succès ; puis le répertoire ordinaire s’est déroulé froidement devant un public débonnaire et composite qui ne sait plus rien apprécier avec goût et mesure. Qu’est devenu le temps où les amateurs de l’opera buffa, comme on disait alors, fronçaient le sourcil à la moindre note douteuse, et reconnaissaient un chanteur vraiment italien aussi facilement que cette marchande d’herbes d’Athènes reconnaissait à l’accent de Théophraste qu’il n’était pas né dans la ville de Minerve ? Oh ! nous sommes loin de cette époque de grands virtuoses et de fines discussions qui avaient lieu dans le foyer dû Théâtre-Italien, rendez-vous de la meilleure compagnie ! Les plus beaux talens étaient soumis au jugement des dilettanti du goût le plus difficile, dont personne ne cherchait à décliner la juridiction. Ce n’est pas devant ce public-là qu’on aurait osé présenter une cantatrice aussi désagréable que Mme Dalmondi, qui, sans voix, sans jeunesse et sans grâce, nous est apparue cet hiver dans le Don Juan, estropiant la langue italienne et la musique de Mozart ! Depuis Don Juan, que nous avons dû abandonner aux outrages de M. Alary, maestro di canto garbato, qui dérange les chefs-d’œuvre pour les mettre à la portée des vieux ténors, le Théâtre-Italien a repris l’exquise bouffonnerie de l’Italiana in Alghieri. Un jeune ténor qui n’est point à dédaigner, M. Montanaro, s’y est produit pour la première fois dans le rôle de Lindoro, qu’il a chanté avec grâce et une petite voix qu’il faut ménager, mais qui est charmante. Il y a dans l’organe un peu frêle de M. Montanaro six notes, d’ut à la, qui sont délicieuses, et qui doivent lui mériter l’indulgence des connaisseurs pour tout ce qui lui manque encore du côté de la méthode et de la vocalisation, qui est facile, mais qui demande à être réglée. Le duo fameux de s’inclinassi a prender moglie, entre Mustafa et Lindoro, a été mal chanté par M. Angelini, dont la voix de basse très solide a de la peine à s’éclaircir : on dirait que M. Angelini a toujours la bouche remplie de marrons qui l’étouffent et qui empêchent les sons de sortir avec éclat. C’est dans l’Italiana in Alghieri surtout que Mme Dalmondi nous a paru être une mauvaise plaisanterie de l’administration, qui trouverait, sur le pavé de Paris, dix cantatrices moins disgracieuses que cette Allemande égarée dans une musique qui n’a pas été faite pour ses beaux yeux. Mais une singulière idée de l’administration du Théâtre-Italien, c’est d’avoir fait reprendre,