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fortune que lui a laissée son père, la source de tout plaisir. Accablé de langueur, sans illusions, et bientôt sans argent, Sélim ne sait trop à quelle folie se livrer, lorsque le puissant génie Amgyad se présente à lui sous la forme humaine d’un derviche. Il lui dit d’abord tout ce que doit dire un derviche qui, par état, est voué à la pauvreté et à la sagesse, puis il ajoute : « Le puissant génie Amgyad, le protecteur et l’ami de ta famille, m’envoie vers toi pour t’apprendre qu’il a pitié de ton sort. Si tu veux t’aider un peu et suivre mes conseils, je te ferai pénétrer au centre de la terre, où tu trouveras toutes les richesses que tu peux imaginer. » À ces promesses, dignes d’exciter l’imagination d’un Arabe, Sélim s’éveille et s’élance dans le désert, à la poursuite de la chimère. Suivi de son fidèle esclave Mouck, Sélim arrive exténué aux ruines de l’antique ville de Baalbek. Une jeune fille se trouve là, près d’une fontaine, — une fontaine et trois palmiers, comme dit le poète des Orientales. La jeune fille offre à boire au beau Sélim, qui, après avoir étanché sa soif, éprouve le désir tout naturel de voir les traits de la jeune inconnue qui lui a été si compatissante. Margyane, c’est son nom, résiste d’abord au désir de Sélim ; mais, poussée par la puissance du génie Amgyad, elle écarte son voile, et la vue de son visage inspire à Sélim une passion chaste et pure qui le régénère, et qui forme la moralité de la fable ainsi que le nœud de la pièce. Sélim, qui se débat un moment entre l’amour nouveau qu’il éprouve pour Margyane et l’accomplissement de la destinée que lui a promise le derviche, finit par entrer dans la caverne qui doit le conduire au merveilleux séjour. Il en sort tout ébloui, et raconte avec enthousiasme ce qu’il a vu. Il a vu, entre autres merveilles, douze statues et la place d’une treizième plus belle encore que les autres. Cette treizième statue, qu’un roi ne paierait pas assez de son trésor, sera donnée en toute propriété à Sélim, s’il consent à épouser une fille innocente qu’il livrera pure au génie Amgyad. Ce singulier caprice de son génie protecteur met Sélim dans un cruel embarras, d’où il ne sait pas trop comment se tirer. C’est là que finit le premier acte. À l’acte suivant, on est transporté dans la ville sainte de La Mecque, chez un vieux et riche marchand d’olives, Kaloum-Barouck, qui possède une nièce charmante. Guidé par les conseils du derviche, Sélim fait demander en mariage la nièce de Kaloum-Barouck, qui refuse et reçoit le porteur du message, le fidèle Mouck, à coups de bâton ; mais, après plusieurs incidens et quiproquos scéniques assez bien imaginés, Sélim épouse réellement la nièce de Kaloum-Barouck, en qui il reconnaît, hélas ! la jeune fille du désert, Margyane, qu’il aime et de qui il est aimé. Au troisième acte, l’amoureux Sélim se retrouve au désert avec Margyane, à qui il n’a pas osé faire l’aveu de l’horrible situation où il se trouve. Une lutte désespérée s’engage alors dans le cœur de Sélim entre son amour pour Margyane et la promesse qu’il a faite au génie Amgyad, qui, sous la figure du derviche, vient réclamer sa proie. Le génie dénoue encore une fois cette situation en plongeant Sélim dans un doux sommeil, et puis il emmène avec lui Margyane éplorée. Sélim se réveille bientôt après, et, plein d’amour et de fureur,