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passage de ce récit où la voix éclatante de M. Monjauze monte par demi-tons jusqu’à une note supérieure qui termine la progression que l’orchestre accompagne par des pulsations vigoureuses. Si le reste de la scène répondait au commencement, si le désordre qui s’ensuit était un effet de l’art, au lieu d’accuser l’inexpérience du compositeur, ce serait presque une page de maître. Quoi qu’il en soit et malgré les défauts sensibles qu’on y remarque, ce récit est d’un véritable effet dramatique, et fait honneur à M. Reyer. Pendant que Sélim a disparu dans le souterrain, Margyane apparaît sur la scène, et, ne voyant plus celui qu’elle aime, elle chante sa peine en une mélodie suave :

Hélas ! il n’est plus là.


Ce chant mélancolique interrompt heureusement la marche de la caravane qui se rend à La Mecque. Malheureusement la scène confuse qui termine le premier acte, le plus important des trois, cette scène à trois voix entre Sélim, Margyane et Amgyad, inspire de nouveau le regret que M. Reyer ne soit pas toujours en état de bien coordonner les élémens de son inspiration. Le second acte est beaucoup moins intéressant. La partie comique, qui y domine, nous paraît complètement manquée. Ni les couplets que chante Mouck, le serviteur de Sélim, en venant demander en mariage la nièce du vieux Kaloum-Barouck, ni le duo des deux vieillards, ni le chœur des musiciens immobilisés par la puissance du génie Amgyad, ne sont des morceaux d’une gaieté franche. Je ne puis signaler au second acte, qui se passe tout entier à La Mecque, que le chœur pour voix d’hommes chanté par les voisins du vieux marchand d’olives, qui viennent le féliciter de son prochain mariage avec sa nièce :

Permettez qu’on vous félicite,


dont le motif est piquant et joliment accompagné, la romance de Margyane, qui reproduit des accens suffisamment entendus, et la cavatine de Sélim, qui est de la même couleur mélodique. Les adieux des fiancés, le chœur et tout l’ensemble de la scène finale sont mal dessinés, et ne laissent dans l’esprit qu’une impression monotone et confuse. C’est bien dommage que M. Reyer n’ait pas su mieux profiter de tous les incidens vraiment comiques que lui avaient préparés les auteurs du libretto dans ce second acte, fort habilement conduit. À l’acte suivant, qui transporte de nouveau la scène au dé, sert, on peut signaler certaines parties du duo passionné entre Sélim et Margyane, quoique l’ensemble de ce morceau soit défectueux, ainsi que le trio qui suit, où l’on retrouve le désordre et le style décousu du finale du second acte. Cependant M. Reyer réussit encore à prêter à Margyane de doux et mélancoliques accens, alors qu’elle dit à son fiancé endormi, qu’elle va quitter :

O mon Sélim ! je te suis ravie !


Ces couplets sont, avec l’air de danse du grand tableau final qui représente