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d’un homme ou d’un parti. Des combats qu’il eut à soutenir, celui-là ne fut ni le moins rude, ni le moins douloureux. Que d’assauts il essuya dans son propre camp tout en tenant tête à ses adversaires ! Un esprit moins opiniâtre y eût succombé ; il résista pourtant, et plutôt que de souffrir un empiétement, il laissa le vide se faire autour de lui. À aucun prix, il n’eût supporté de patronage apparent. Au fond, cette disposition avait quelque chose de louable ; chez Faucher, elle était si naturelle que vainement on eût essayé de l’ébranler. Il est des hommes, même éminens, qui doutent de leur force, réclament les conseils, aiment à vérifier leurs idées par l’expérience d’autrui, ont besoin d’un assentiment pour se confirmer dans leurs opinions, et les modifient de bonne grâce quand un nouveau jour s’y répand. Faucher ne ressentait rien de pareil ; sa conviction n’avait rien de flottant ni d’indécis ; une fois formée, il n’en revenait plus. C’était une confiance absolue qui éclatait jusque dans l’expression. Ces schismes intérieurs aboutirent à un délaissement, qu’aggravait une révolution survenue dans la presse périodique. Depuis quelques années, de nouvelles feuilles à prix réduits minaient l’existence des anciens journaux. Le Courrier Français était au nombre de ces derniers ; sa clientèle allait diminuant ; l’un de ses principaux actionnaires, M. Aguado, venait de mourir. Une vente publique eut lieu, dans laquelle Faucher se porta acquéreur avec la pensée d’introduire dans la feuille, s’il en restait maître, des améliorations et des réformes. Son offre fut dépassée et n’aboutit pas ; quelques instances qu’on y mît, il se retira devant ce changement de propriété.

Ce fut pour lui un grand soulagement, et il s’en ouvrait à ses amis en 1842 en leur annonçant sa retraite. « Il valait mieux pour moi, leur dit-il, ressaisir ma liberté entière ; je l’ai fait. Je ne rentrerai plus dans la politique active que par la chambre. En attendant, j’écrirai des livres et des articles de revue. » Aucun parti n’était plus judicieux. Entre l’improvisation quotidienne et le recueillement qu’exigent des travaux de longue haleine, il y a, quoi qu’on fasse, une sorte d’incompatibilité. Sollicité par le temps et assiégé d’impressions éphémères, l’esprit est rarement libre, les vues sont courtes, le style n’est plus suffisamment châtié, Faucher le comprenait, et au milieu de ses engagemens il avait trouvé la force de poursuivre des études plus sérieuses et plus approfondies, où sa pensée se retrouvait dans son élément naturel. Les principales trouvèrent place dans ce recueil ; il y traita divers sujets de finances, d’économie sociale, d’administration et de politique[1]. Ces morceaux furent re-

  1. La Colonie des Savoyards, 1834 ; — De la Propriété en France, 1836 ; — De la Presse en Angleterre, 1836 ; — Organisation financière de la Grande-Bretagne, 1837 ; — De la Souscription dans les entreprises des travaux publics, 1838 ; — Question d’Orient, 1841 ; — Union du Midi, 1837 et 1842.