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Montesquieu, et y aborda avec autant de bonheur que de solidité une grande variété de sujets appropriés à un auditoire qu’il fallait instruire en le captivant. La tâche n’était point aisée. L’économie politique, — c’est un reproche qu’on lui a fait, — n’est pas une science amusante ; on ne lui donne de l’intérêt qu’avec une certaine dextérité dans la parole. Faucher mit cet art au service de la vérité. Il sut écarter les considérations abstraites pour s’en tenir à ce que la doctrine a d’élémentaire, ménagea l’attention des assistans, ne les conduisit pas dans les labyrinthes où l’obscurité commence, ne leur débita, en fait d’argumens et de chiffres, que ce qu’ils pouvaient raisonnablement supporter. Il fut très écouté, très applaudi. Cette chaire pour lui était une sorte de préparation ; il s’y formait pour la tribune. Dès lors on put voir qu’il avait les qualités essentielles de l’orateur. Il se possédait, restait maître de ses émotions, classait bien ses idées, les faisait manœuvrer avec méthode, les revêtait d’une expression concise, régulière et vigoureuse. Une verve soutenue, un tour belliqueux animaient ses discours au point de leur donner, même dans les matières qui le comportaient le moins, les apparences d’un défi. Un peu plus de liant n’en eût que mieux assuré l’effet. Le jeu de la physionomie, le geste même participaient de ces formes rigides ; on eût dit une sorte de violence exercée sur les convictions rebelles. En revanche, ces improvisations ont un mérite qui n’appartient qu’à un petit nombre d’orateurs ; elles soutiennent la lecture. Même à la distance où nous sommes des circonstances qui les ont inspirées, on y retrouve une clarté d’exposition, une abondance de renseignemens qui conservent une partie de leur prix et resteront, pour plusieurs sujets, comme une date à recueillir ou un mémoire à consulter.

Sur ces questions de doctrine, Faucher était libre ou à peu près ; ses électeurs, en le nommant, s’étaient presque désistés. Il est à présumer néanmoins que cette indépendance ne fut pas conquise sans quelques tiraillemens, quelques résistances de l’industrie locale. Le respect des principes ne va jamais, chez les fabricans, jusqu’à l’oubli de leurs intérêts, et, en faisant bon marché d’autrui, ils s’exécutent difficilement pour leur propre compte ; mais les soucis de ce genre n’étaient que secondaires pour le député de Reims : il en eut d’autres beaucoup plus graves. Sa nomination avait surtout un caractère politique, on le lui fit sentir plus d’une fois. Comme d’habitude, ceux qui avaient mené la campagne appartenaient à la partie la plus ardente de l’opposition ; ils avaient été à la peine, ils voulurent être à l’honneur. Leur prétention était que le député de leur choix ne demeurât étranger à rien de ce qui se faisait pour agiter le pays et exciter les passions populaires. Dans leurs correspondances, ils ne ménageaient