Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amener le licenciement de cette armée de l’émeute dont sciemment ou involontairement on avait laissé se former les cadres dans les ateliers nationaux. Quand la guerre civile se fut éteinte dans le sang, il fallut reconstituer sur des débris un gouvernement qui donnât aux hommes paisibles quelques garanties, et à l’activité du pays quelque espérance de renaître. Le représentant de la Marne eut sa part dans cette œuvre de réparation, plus lente et plus laborieuse que les revanches de la force. Il s’agissait de reprendre pied à pied le terrain que le désordre avait envahi, de ramener dans un lit nouveau les institutions débordées et d’en assurer le cours par quelques digues. Neuf mois de session permanente, mêlés d’incidens orageux, suffirent à peine à une portion de cette tâche. Faucher ne s’y ménagea point ; il défendit vaillamment nos finances, et contribua à faire écarter tout ce qui leur eût porté une atteinte irréparable, comme l’emprunt forcé et le papier-monnaie. Une chaire d’économie politique, dignement occupée par M. Michel Chevalier, avait été supprimée au Collège de France ; de concert avec MM. Barthélémy Saint-Hilaire et Wolowski, le représentant de la Marne parvint à la faire rétablir. Parmi ses combats de tribune, celui-ci ne fut ni le moins vif, ni le moins hardi ; l’acte d’ostracisme avait, dans la majorité même, des complices et des instigateurs.

Un singulier épisode se rattache à cette période de sa vie. Les membres de la famille Bonaparte, relevés par un vote de la constituante de l’exil qui frappait les autres dynasties, venaient s’asseoir un à un et en vertu de mandats réguliers sur les bancs de l’assemblée. Un jour que Faucher était à sa place absorbé par quelques travaux, une certaine émotion se répand dans l’enceinte, et il entend un nom qui circule de bouche en bouche. — « Ah ! c’est le prince Louis ? dit-il au collègue assis à sa droite. Où est-il donc ? Montrez-le moi. » En même temps il relève la tête, et du banc placé au-dessus du sien il reçoit comme réponse un salut et un sourire. C’était le prince qui allait devenir son voisin. Des relations de politesse naquirent de ce rapprochement fortuit, et peut-être entra-t-il pour quelque part dans un événement qui, peu de mois après, devait mettre l’ambition de Faucher à l’épreuve. Une constitution avait été promulguée et instituait un président de la république, avec des attributions définies ; la nation consultée se prononça pour le prince. À peine nommé, il forma son premier ministère en réservant un portefeuille à son voisin sur les bancs de l’assemblée. Faucher hésita d’abord ; il ne se sentait point préparé à une telle responsabilité, et des motifs personnels lui conseillaient un refus. Ses fonctions d’administrateur du chemin de l’Est étaient incompatibles avec celles de ministre ; il s’agissait de quitter une position sûre pour une po-