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sition précaire. Il y avait d’ailleurs bien des tempêtes dans l’air ; les pavés tremblaient encore, et rien n’était moins sûr qu’une assemblée ombrageuse qui sentait le pouvoir lui échapper. Peut-être est-ce à ces risques mêmes que Faucher fit le sacrifice de ses intérêts particuliers ; il était belliqueux par tempérament, se jetait volontiers dans la mêlée et cherchait la gloire, fût-ce au prix de quelques blessures. Ce fut d’abord le portefeuille des travaux publics qui lui échut, l’un des moins exposés et en même temps des plus laborieux : ces attributions l’auraient tenu presque à l’écart de la politique militante ; mais la démission de M. de Malleville, causée par quelques scrupules, ayant laissé vacant le portefeuille de l’intérieur, Faucher dut l’accepter sur les instances qu’on lui fit. C’était, en l’état des choses, une charge redoutable. Le trop court passage de M. Dufaure dans ce département n’avait pas suffi pour en épurer les cadres ; la voie était pourtant ouverte, et Faucher n’eut qu’à continuer les traditions d’un ministre intègre, aujourd’hui l’honneur de notre barreau. Les difficultés étaient grandes ; il y avait eu dans les personnes tant de choix malheureux et tant d’abandon dans les affaires. Le nouveau ministre pensa qu’un changement de régime comportait l’emploi de moyens prompts et directs. Il s’inspira d’une idée qui résumait toutes les exigences de la situation, l’apaisement des esprits, et pour l’obtenir il employa l’arme qui lui était familière, la vigueur. On parlait toujours de surprises violentes qui se tramaient dans l’ombre et auxquelles on assignait des dates ; il résolut d’en finir par un coup d’éclat. Le 29 janvier 1849, Paris se réveilla au bruit d’un certain appareil militaire ; les canons roulaient dans les rues, les baïonnettes brillaient le long des boulevards. Le général Changarnier était à la tête des troupes avec ce calme résolu qui sied si bien au commandement. L’objet de ces préparatifs était de contenir une descente des faubourgs mêlés aux débris de la garde mobile ; une loi sur les clubs servait de ralliement et de prétexte aux mécontens. Devant ces mesures prises à propos et avec une fermeté prévoyante, le mouvement avorta sans effusion de sang. L’arrestation de l’un des chefs rendit la leçon complète ; les rassemblemens se dispersèrent, et la loi des clubs fut votée à l’abri de toute émotion extérieure.

Les trois mois qui suivirent furent pour Faucher une suite d’escarmouches qui ne lui laissèrent ni trêve ni repos. Le cabinet dont il était membre essayait de mener à bien la plus rude et la plus délicate des entreprises : c’était de déterminer une assemblée souveraine à se congédier de ses propres mains. Pour beaucoup de membres, ce congé équivalait à une condamnation sans appel ; on les renvoyait devant des électeurs décidés à les exclure. De là bien