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trésor qu’après avoir laissé, pour frais de recouvrement, le sixième de la recette brute ; les autres, quoique moins chargées, sont dans le même cas, et nos budgets élèvent à 200 millions environ les frais généraux de perception et de régie. C’est, pour l’impôt indirect, une moyenne de 11 à 12 pour 100, tandis que l’impôt direct ne coûte à recouvrer que 3 pour 100. L’écart, on le voit, est considérable, et si, par voie d’hypothèse, on confondait tous les impôts pour les ramener au type des moins coûteux à recueillir, 3 pour 100 par exemple au lieu de 12, on aurait par an 50 millions d’épargnés, et depuis soixante ans qu’existe le grand mécanisme des contributions indirectes, près de 4 milliards avec les intérêts accumulés, c’est-à-dire la moitié environ de notre dette inscrite. Ce sont là, il est vrai, des jeux de chiffres qui n’ont rien de rigoureux : l’unité de l’impôt sera toujours une chimère ; mais il n’en est pas moins constant que, dans bien des cas, les charges de la perception sont hors de proportion avec le revenu net. Le trésor n’est pas seul à en souffrir ; les intérêts et les mœurs s’en ressentent. On tient ainsi sur pied une multitude d’agens armés d’un droit de recherche et qui traitent la population comme une vaste collection de suspects. Ces corps organisés, avec les attributs qui les distinguent et les pouvoirs dont ils disposent, non-seulement entretiennent dans leur sein, mais propagent au dehors des idées de dépendance. Que de gens se trouvent ainsi directement ou indirectement dans les mains de l’état, vivant de services qu’il rétribue ! L’impôt joue un grand rôle dans cet assujettissement. Quand on dit que le meilleur est celui dont on parle le moins, que toute forme est bonne, pourvu qu’elle rende, on oublie l’action morale de l’impôt, son influence politique, la manière dont il agit sur les opinions, les caractères, les habitudes, la disposition des esprits.

Tel est le sentiment auquel ont obéi les hommes d’état qui, en Angleterre, ont attaché leurs noms à un remaniement général de l’impôt. Ils n’y ont pas procédé arbitrairement ; leur méthode se dégage de l’examen des faits. Comme point de départ, ils ont supprimé les taxes qui pesaient sur les matières destinées à recevoir des façons ; c’était ouvrir par le dégrèvement des débouchés nouveaux aux fruits du travail. Ils ont ensuite regardé de près aux taxes de consommation, et, malgré les clameurs, supprimé celles qui affectaient la subsistance du peuple. Ils ont également émondé les tarifs, en n’y laissant que les articles de grand produit, et en leur appliquant des droits si légers, que ces droits ne pouvaient se concilier qu’avec un accroissement notable et probable de la consommation. Ainsi ils diminuaient les frais en simplifiant les formes, écartaient les paperasses, les rigueurs inutiles, la défiance érigée en