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mença l’exécution, et, à quelques mois de là, il reçut des mains du président, sur les premières assises des halles nouvelles, la croix de commandeur de la Légion d’honneur.

Toutefois, bien que le ministre de l’intérieur se rejetât à dessein vers la partie tranquille de ses fonctions, qu’il songeât aux fouilles de Ninive, aux tableaux de Géricault et à des fondations de prix pour des œuvres morales, il n’était pas sans comprendre qu’il y avait dans l’air autre chose que ces satisfactions à donner aux arts et aux embellissemens de Paris. Il ne se regardait pas comme parfaitement affermi sur ce terrain qu’ébranlaient de fréquentes secousses. À diverses reprises, il s’était vu interpellé au sujet d’incidens qui relevaient de sa responsabilité. Constamment il avait répondu de la manière la plus catégorique et la plus ferme : « Je ne suis rien, dit-il un jour, que par la tribune et par la presse, et si jamais cette tribune doit être renversée, je resterai enseveli sous ses ruines. » Ces déclarations étaient sincères, et l’assemblée y ajoutait foi ; le ministre répondait de lui-même, il ne pouvait aller au-delà. Dans le cercle où son action s’exerçait, il restait maître de ses mouvemens, ne souffrait rien qui ne fût régulier, et portait la main sur ce qu’il lui était permis d’atteindre. Des problèmes pourtant s’agitaient en dehors de lui, à son insu, et pour ainsi dire par-dessus sa tête. Une guerre d’embûches servait de prélude à la solution d’un grand débat ; l’impatience d’en finir se montrait dans les camps en présence. Le ministre de l’intérieur n’y voyait qu’une agitation artificielle dont l’esprit de conduite triompherait ; il persistait à croire qu’une transaction était possible, et qu’elle s’imposerait d’elle-même. Un acte inattendu lui arracha cette illusion. Le président de la république, ne déguisant plus ses desseins, demanda tout à coup à son ministère de proposer à l’assemblée législative l’abrogation de la loi du 31 mai. Pour Faucher surtout, c’était un point délicat. Il avait été le rapporteur de cette loi ; se prêter à l’abrogation que demandait le président, c’était s’infliger un désaveu. Il donna sa démission, et entraîna celle de tous ses collègues. Il assista dès lors plus qu’il ne se mêla aux incidens qui survinrent, garda la réserve que commandait sa situation, avec plus de résignation que d’espoir, plus de douleur que d’alarme, et le 2 décembre 1851 il se réveilla, comme tous ses collègues, au milieu des surprises d’un coup d’état.

Il était du nombre des hommes publics qui avaient jusqu’au bout usé de ménagemens et pensé que la modération des formes n’était pas incompatible avec la fermeté des principes. Le gouvernement nouveau vit des amis dans ceux qui ne s’étaient pas déclarés ses adversaires ; Faucher fut, à ce titre et à son insu, compris parmi les membres qui composaient la commission consultative instituée après