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des mouchoirs, des éventails, des abat-jour et bien d’autres objets ; on en forme parfois des tissus fins découpés comme la dentelle et couverts d’images coloriées. On sait que le mûrier n’est pas le seul arbre au Japon qui nourrisse le ver à soie : l’ailante ou vernis entretient sous toute cette latitude une espèce de ver facile à élever, qui fournit aux Japonais la ouate ou bourre de soie dont ils doublent leurs vêtemens d’hiver. À ces nombreux produits il faut encore ajouter le camphre, la cire végétale provenant du rhus succedanea, et le rhus verinx, qui donne, au moyen d’incisions pratiquées sur son tronc, la sève précieuse dont on fait le vernis du Japon. Enfin les richesses minérales de l’archipel sont immenses, et les dépôts de houille paraissent y être abondans et étendus.

On conçoit qu’avec les ressources que nous venons d’énumérer en fleurs et en fruits, les Japonais soient d’habiles jardiniers : ils excellent en effet dans l’horticulture ; mais ils ont un tort grave et un goût qui semble plus chinois que japonais : celui de déformer la nature pour créer des arbres avortons et des arbrisseaux nains. Ils mutilent le tronc et les branches, leur donnent les formes les plus capricieuses, ou les réduisent aux proportions les plus exiguës. On cite des poiriers de douze à dix-huit pouces chargés de fruits, et une caisse longue de trois pouces et large de deux qui fut vendue 1,200 dollars à Décima ; elle contenait un sapin, un bambou et un prunier en fleur.

Il est assez singulier que les animaux soient peu nombreux au Japon ; peut-être est-ce la grande extension de la culture qui a fait exclure les pâturages : il n’y a que très peu de bêtes de somme et pas de moutons. Les Japonais étaient bien étonnés, lorsqu’en leur montrant leurs vêtemens de drap les Européens leur disaient qu’ils étaient fabriqués avec de la laine. Les porcs sont aussi en très petit nombre ; ce n’est pas que leur chair répugne aux Japonais, car ils mangeaient très volontiers de toute espèce de viande à bord des vaisseaux étrangers. Le fond de leur nourriture consiste, avec le riz, les céréales et les légumes, en volaille et surtout en poisson. Les prescriptions qui interdisent aux sintos et à plusieurs sectes bouddhiques de recourir à une nourriture animale ont pu aussi contribuer à cette rareté du bétail. Quant au poisson, il abonde, et une grande partie de la population demande les ressources de son existence à la mer, près de laquelle elle est née. On raconte qu’il est d’usage encore parmi les plus hauts et les plus riches personnages, lorsqu’ils s’envoient des billets, d’y joindre un morceau de poisson salé, ce qui veut dire : « Si nous voulons rester sages et puissans, rappelons-nous la vie et la sobriété de nos pères, qui n’étaient que de pauvres pêcheurs ! »