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je, nous, on dira : être sans talent, corps grossier, vil bonze, vieillard insensé, celui qui est à votre discrétion, votre serviteur, etc. Pour la seconde personne, on dit l’homme noble, la noble place, l’illustre vieillard, etc. La ponctuation consiste en des petits cercles blancs et noirs et en une espèce de virgule retournée. Il faut ajouter que les Japonais disposent leurs livres en sens contraire des nôtres, c’est-à-dire que leur première page serait la dernière dans les ouvrages européens. Leurs pages, au lieu d’être comme chez nous pliées au dos du livre et rognées à la marge, sont pliées du côté de la tranche et rognées vers le dos, de façon à former chacune un paravent de deux feuilles ; elles ne sont imprimées que d’un côté. On les relie en cahiers plus ou moins épais au moyen d’un fil de soie que l’on pique à l’extrémité opposée de la pliure, en sorte que le côté non imprimé se trouve renfermé dans les plis opérés à chaque page. Le titre est inscrit en haut des pages, la pagination en bas. Les noms de l’auteur, de l’éditeur, du lieu de l’impression, sont en caractères chinois. Les dates se marquent à l’aide des noms donnés par les empereurs aux années de leur règne et par les caractères cycliques de l’ère sexagénale.

En effet, les Japonais ont plusieurs façons de compter le temps. Ils font usage de l’ère de Sin-mou, le premier micado, 660 avant notre ère ; puis ils se servent des ères impériales dites nengo. Le trente-deuxième micado eut l’idée d’attacher certaines épithètes à l’année commençant son règne : la paix céleste, la vertu éternelle. Ses successeurs suivirent son exemple, et ces phrases servent à désigner des époques. C’est ainsi que le traité du baron Gros a été signé le troisième jour du neuvième mois de la cinquième année du nengo Anchei, « l’année du cheval » (9 octobre 1858). Quant au cycle sexagénal, également employé en Chine et au Siam, il date de l’année 2637 avant Jésus-Christ ; par conséquent Sin-mou appartient au trente-troisième cycle. Depuis ce temps, il y en a eu soixante-quinze, et le soixante-seizième commencera en 1864 pour finir en 1923[1]. Chacune des années de ce cycle a un nom particulier. La littérature japonaise comprend, au dire des Hollandais, des ouvrages historiques, géographiques, des descriptions de l’archipel, des poésies, des pièces de théâtre, des encyclopédies, des biographies, des traités de morale et de religion. Il y a aussi des romans illustrés avec des gravures sur bois, et des livres ne contenant que des gravures. Une sorte de lithochromographie, où les pierres sont remplacées par des bois, est depuis longtemps connue au Japon, et on y pratique l’imprimerie depuis les premières années de notre XIIIe

  1. Ces renseignemens sont dus aux indications de M. L. de Rosny, qui a débrouillé avec beaucoup de soin le chaos de cette chronologie. Voyez Mémoire sur la chronologie japonaise.