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anciennes catégories étaient trop étroites. De même que les hérésies ne sont plus pour nous que des conceptions diverses d’une même vérité, les religions ne sont plus à nos yeux que des manières diverses d’adorer un même Dieu. Quelle que soit la supériorité du monothéisme sur le polythéisme, c’est une supériorité qui n’exclut pas tout rapport. L’Évangile lui-même ne peut être opposé au paganisme comme le culte du vrai Dieu au culte des démons. Le christianisme est une religion entre plusieurs, la meilleure assurément, mais non la seule qui ait droit à ce nom auguste ; il a une valeur non pas absolue et unique, mais relative. Toutes les croyances religieuses de l’antiquité ont joué un rôle dans l’éducation spirituelle de l’humanité ; elles ont, aussi bien que le judaïsme, quoique moins directement, préparé le genre humain à la foi de l’Évangile.

Mais le christianisme à son tour n’est-il pas susceptible de développemens ? Oui sans doute, et c’est pour cela même qu’il est impérissable. Ce qui se développe est seul vivant, seul immortel. Le judaïsme représente la loi et caractérise l’enfance de l’humanité. L’enfant devenu adolescent n’est plus conduit par des ordres, mais par des exemples ; c’est à cette période du progrès des sociétés que correspond la venue du Fils de l’homme et le grand modèle qu’il nous a proposé. Plus tard l’adolescent devient homme fait, il obéit à une impulsion tout intérieure, à des principes, à sa conscience. Tel est le régime actuel, celui de l’Esprit et de la liberté. Nous n’avons plus besoin d’une règle extérieure, et la Bible ne peut conserver sa place dans notre vie religieuse qu’à une condition, celle de ne plus exercer comme jadis une espèce de despotisme sur l’esprit humain, mais de s’identifier avec la voix de la conscience en nous.

En présence de la crise où se trouvent maintenant les idées religieuses, on ne peut s’empêcher de demander quel sera le christianisme de l’avenir, de quelle manière les églises existantes se plieront à des conditions nouvelles, quelle fonction elles pourront encore remplir, quelle action exercer au milieu d’une société comme la nôtre. Les Essais n’ont pas reculé devant cette dernière question. M. Wilson, qui l’a traitée, estime qu’il n’y a point de vie nationale complète sans une église nationale ; mais une église qui aspire à ce caractère doit aider au développement spirituel tout entier de la nation. Il faut, qu’elle soit assez large pour ne point provoquer de dissidence légitime. Il faut qu’elle soit libre, non-seulement dans ses formes, qui ne sauraient rester sacerdotales, mais dans ses doctrines, qui ne doivent pas être en contradiction avec l’esprit général du siècle. L’église s’affranchira donc de ces confessions de foi auxquelles nul ne peut plus adhérer sans quelque réserve mentale. Et ce n’est pas assez encore : l’église de l’avenir renoncera également à un usage