Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’emploi d’un combustible plus économique promettait de grands bénéfices.

Cependant, malgré les prévisions contraires, la consommation du bois dans les hauts-fourneaux, si toutefois l’on en excepte la crise de 1848, n’a fait que s’accroître de jour en jour. Le phénomène s’explique par ce fait que les propriétés du métal varient beaucoup, suivant que pour l’obtenir on a fait usage de bois ou de houille. En général, le bois donne des fers tenaces, nerveux, au grain serré et homogène, à la fibre résistante ; aussi y a-t-il avantage à s’en servir lorsqu’on opère sur des minerais riches et de bonne qualité, parce que la plus-value du produit fabriqué compense et au-delà le prix plus élevé du combustible. Avec des minerais moins purs, comme une partie de ceux de la Haute-Marne, de l’Allier ou du Cher, on fabrique la fonte au bois et l’on affine le fer à la houille, ou plutôt au coke. Le métal ainsi obtenu convient parfaitement pour les objets qui n’exigent pas des fers supérieurs. Lorsqu’on ne veut que des fers tout à fait communs, mais à bas prix, on emploie exclusivement le combustible minéral. Toutefois cette fabrication n’est réellement avantageuse que dans les localités voisines des mines de houille ; elle exige de grands capitaux, des établissemens spacieux, des laminoirs, toute une organisation qui ne convient qu’à une production très abondante. Dans toute autre condition, l’emploi au moins partiel du charbon de bois est préférable. On comprend dès lors pourquoi, en présence de besoins toujours croissans, les propriétaires de forêts ont pu résister chez nous à la concurrence de la houille, et pourquoi ils n’ont pas à redouter l’introduction des fers anglais, qui ne sont fabriqués qu’avec ce combustible.

Les fers au bois et les fers à la houille ne sont pas pour ainsi dire des produits similaires ; ils ont des qualités différentes, ils ne conviennent pas aux mêmes usages et n’ont pas la même valeur marchande[1]. L’Angleterre, quoique abondamment pourvue des derniers, fait venir des pays étrangers une grande quantité de fers au bois pour certains usages spéciaux. C’est ainsi que les mines de Danemora, en Suède, actuellement exploitées par une compagnie anglo-américaine, lui fournissent les fers qui servent à fabriquer les fameux aciers de Sheffield. On les paie jusqu’à 800 francs la tonne, tandis que le prix courant des fers indigènes n’excède pas 140 francs.

  1. « La France, dit le rapport officiel de 1854, traite principalement ses minerais au charbon de bois. La fonte ainsi produite est plus chère, mais elle est de meilleure qualité : le fer qui en résulte est meilleur aussi, il se vend plus cher… En 1852, le prix moyen de la fonte au charbon de bois était de 14 fr. 70 cent, le quintal métrique, celui de la fonte au coke de 11 fr. 30 cent. Le prix du fer fabriqué au bois a été de 42 francs 30 cent., et celui du fer au coke de 27 fr. »