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les forts qui commandent Naples tenaient encore pour le roi, lorsque Garibaldi entra dans la ville. Par leur position vraiment formidable, ils la dominent de telle sorte qu’ils peuvent la réduire en moins de deux heures. Il y avait là un danger terrible ; malgré l’explosion de sa joie, ses promenades et ses cris, la population le sentait et était inquiète. Les grilles du palais, les portes des forteresses étaient closes, les sentinelles posées, les armes prêtes ; dans les embrasures, les canons allongeaient leur cou noir, derrière lequel apparaissait un artilleur debout. Que se passa-t-il entre les chefs du mouvement national et les officiers supérieurs qui commandaient la garnison des forts ? Je ne le sais ; mais vers cinq heures, le 9 septembre, Garibaldi monta au fort Saint-Elme, qui s’ouvrit devant lui et sa suite : il le reçut des mains du commandant et licencia les soldats. Une heure après, le Palais-Royal, le fort de l’OEuf et le Château-Neuf avaient fait leur soumission et appartenaient à la cause de l’unité italienne. De cet instant, il n’y eut plus un soldat bourbonien à Naples, et si le roi fugitif y entretint des agens, ce qui n’est pas douteux, ils se cachèrent assez bien pour que leur présence fût ignorée de nous pendant les premiers jours.

Renfermée à Capoue et à Gaëte, tenant le pays qui servait de communication entre ces deux places, l’armée napolitaine ne nous menaçait point d’un danger immédiat ; mais il était bon de la cerner vers ses refuges et de la mettre dans l’impossibilité de faire sur Naples un mouvement offensif. À ce moment, nous ignorions et nous ignorâmes longtemps encore que la cour de Turin venait de prendre la résolution de se jeter elle-même dans l’aventure et d’y apporter ses forces redoutables. Garibaldi eut un instant d’hésitation sur le parti qu’il devait prendre, cela ne me semble pas douteux. Le 10 septembre au matin, nous reçûmes ordre de nous préparer en toute hâte pour entrer immédiatement en campagne. Une nouvelle très grave, qu’on avait tout lieu de croire authentique, nous était parvenue. On assurait que le général Lamoricière, se fiant aux Français pour la garde de Rome et du pape, venait, à la tête de quinze mille hommes, de traverser la frontière napolitaine pour donner la main à l’armée de François II, en prendre le commandement, et marcher sur Naples. Le plan était très simple, tout à fait indiqué par les circonstances et tellement prévu par nous que nous devions y ajouter foi. Le lendemain, la nouvelle fut démentie.

C’est à ce moment, c’est-à-dire aux premiers jours de son arrivée à Naples, que doit se placer pour Garibaldi la lutte qu’il eut à soutenir contre lui-même et contre des conseillers trop emportés. Le fait est hors de doute aujourd’hui ; il voulut marcher d’emblée sur Rome, l’enlever par un coup de main, la déclarer capitale du royaume