Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/489

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



III. — LE MAI.


Le chemin est tout parfumé
De muguets qui s’épanouissent ;
Claire est la nuit, les bois verdissent,
Et c’est demain le premier mai.
Vers minuit, parmi les cépées,
Soudain résonnent à la fois
Un bruit sourd de branches coupées
Et de jeunes éclats de voix.

Ce sont les garçons du village
Qui se glissent dans les taillis,
Éveillant les oiseaux des nids
Et les chevreuils sur leur passage.
Dans le fond des gorges ombreuses
Ils vont, alertes maraudeurs,
Dérober aux arbres en fleurs
Un mai vert pour leurs amoureuses.

Sous la serpe au fil acéré
Tombez, frémissantes verdures !
Et vite, rubans et dorures…
Salut, joyeux mai chamarré !
Au vent matinal ta ramée,
Dès que le soleil paraîtra,
Sur le seuil de la bien-aimée
Fièrement se balancera.

Ensemble, la saison nouvelle
Et les frais bourgeons des fayards[1]
S’épanouiront aux regards
De l’amoureuse jeune et belle…
Mais l’aube blanchit, hâtez-vous.
Malheur à celui qui s’attarde !
Sur sa forêt, comme un jaloux,
Nuit et jour veille le vieux garde.

Travaillé par mille soupçons,
Il se lève quand tout repose ;
Fusil au dos et l’œil morose,
Le voilà qui bat les buissons.

  1. Jeunes hêtres.