Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Maddaloni. En outre, dans le cas où ils auraient essayé un mouvement tournant sur notre droite, les royaux ne pouvaient franchir le Vulturne qu’à deux endroits : à la scafa della Formicola et à la scafa di Cajazzo[1] ; ces deux points étaient dominés par le village Sant’Angelo, et lors même que les royaux eussent réussi à se jeter en-deçà du fleuve, ils devaient être arrêtés entre le, Vulturne et les montagnes par notre établissement à Limatola. Nos positions étaient donc très bonnes, sagement choisies, habilement disposées sous le double rapport de l’offensive et de la défensive ; en résumé, elles formaient un large demi-cercle, suivant la ligne des montagnes qui longent le Vulturne et qui à Limatola se courbent subitement en arrière ; Santa-Maria, Caserte et Maddaloni étaient la corde de cet arc. Ces positions n’avaient qu’un défaut, qui faillit nous être funeste : la route qui va de Santa-Maria à Sant’Angelo longe la plaine, et pouvait être très facilement occupée par l’ennemi, que nul obstacle naturel ou factice n’en repoussait.

Dans le plus grand secret, une petite expédition fut préparée, qui devait avoir pour résultat d’opérer notre jonction avec le pays insurgé au-delà du Vulturne et de couper les communications royales entre Capoue et Gaëte. Pour cette aventure extrêmement périlleuse, qui demandait une grande hardiesse, de l’habileté et une résolution inébranlable, on fit choix d’un homme jeune encore, ancien officier autrichien et qui avait fait ses preuves sur plus d’un champ de bataille : c’était un Hongrois, le major Csudafy. Le 16 septembre, vers la nuit tombante, il partit de notre quartier-général de Caserte, emmenant avec lui trois cents hommes choisis parmi nos meilleurs. Nous étions dans la confidence des ordres qu’il avait reçus, et ce ne fut point sans un certain serrement de cœur que nous le vîmes s’éloigner. Il devait, dissimulant sa marche autant que possible, s’avancer par les montagnes jusqu’au Vulturne, qu’il franchirait à la scafa de Dragoni, continuer vers le nord, de façon à s’éloigner de l’armée napolitaine, et tout à coup, obliquant vers l’ouest, faire un mouvement rapide vers Teano, et même, s’il était possible, vers Calvi, de façon à s’en emparer. Si le mouvement réussissait, nous nous trouvions à cheval sur la route de Capoue à Gaëte, menaçant la ligne de retraite des royaux et nous reliant aux insurrections de la montagne. Le plan était bien conçu ; mais les hommes qui devaient l’exécuter étaient dans un nombre si manifestement insuffisant que nous tremblions pour eux et pour celui qui les commandait ; nous savions cependant qu’au nombre de ses instructions, il avait

  1. Scafa signifie proprement chaloupe. C’est l’expression usuelle pour désigner un bac et son emplacement.