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labourée et hersée, un ouvrier creuse à la bêche de petites rigoles tirées au cordeau à une distance de deux ou trois mètres, et il éparpille avec soin, en l’émiettant sur les semailles, la terre qui en provient. Ces petits canaux d’écoulement débarrassent rapidement le sol des eaux surabondantes, et les planches qu’ils laissent entre eux, semblables à celles qu’exigent certains légumes, ont l’avantage de permettre à l’air et à la chaleur de pénétrer jusqu’aux racines des blés et d’en favoriser ainsi le développement. Chaque année, les rigoles de l’année précédente sont comblées, et de nouvelles ouvertes à côté, de telle façon qu’au bout d’une certaine période le champ entier a reçu peu à peu un labour profond d’un pied au moins ; le sous-sol a été fertilisé par l’action de l’atmosphère et de la gelée, sans réclamer une grande augmentation de fumier. Certes cette méthode nécessite un surcroît de travail, mais on reconnaît généralement que l’augmentation des frais est couverte par celle du produit.

Nous venons d’indiquer les particularités qui caractérisent l’agriculture de la Campine, restée fidèle jusqu’à ce jour aux traditions anciennes. Les seuls progrès qu’on puisse signaler sont des conquêtes nouvelles faites sur la lande grâce au prix élevé des produits agricoles, du beurre surtout, grâce aussi à l’emploi du guano, l’unique engrais à peu près dont le poids n’empêche pas le transport à de grandes distances. Toutefois, à côté, des exploitations dirigées par les habitans de la contrée, le capital du reste du pays, attiré par la vente des biens communaux, est venu, depuis une quinzaine d’années, en établir de nouvelles, où sont appliqués tous les perfectionnemens les plus récens de l’art agricole. C’est ainsi qu’on rencontre aux environs d’Achel de grandes métairies semblables à celles de la Hollande, dans chacune desquelles on nourrit un troupeau de quarante vaches à lait en vue de la fabrication en grand du fromage ; non loin de Postel, une ferme où l’on a introduit tous les procédés du high-farming à l’anglaise, entre autres la machine à vapeur qui fait mouvoir la batteuse, le tarare, le coupe-racines, le hache-paille, le moulin, et qui sert en même temps à cuire la nourriture du bétail et à distribuer l’eau ; à la Schoorsche-Heide, une exploitation où les engrais liquides sont distribués sur les terres d’après le système Kennedy, c’est-à-dire au moyen d’une pompe foulante, qui, envoyant au loin le purin dans des tuyaux souterrains ; arrose à volonté les récoltes d’une pluie fertilisante ; au Zwart-Goor, un magnifique établissement agricole qui s’élève à l’endroit même où croupissaient, il y a quelques années à peine, les eaux stagnantes d’un marais ; à Weer-Pelt et à Over-Pelt, des prairies qui offrent les combinaisons les plus variées et les plus scientifiques de l’irrigation ; dans maintes localités enfin, des fermes dirigées d’après la méthode flamande