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combinée avec l’emploi des machines nouvelles. La Campine est devenue ainsi une sorte d’arène agronomique où luttent les champions des différens systèmes de culture, un vaste champ" d’expériences où toutes les inventions nouvelles sont appliquées en même temps et soumises, comme en un concours, à l’épreuve de la pratique.

Cette activité est d’un heureux augure pour l’avenir. Avec le temps, il est à croire que toutes les terres vagues seront mises en rapport, mais à une condition : c’est qu’on se garde des espérances trop flatteuses et qu’on s’arme contre de trop probables déceptions. L’irrigation même, dont les résultats semblaient infaillibles, n’a pas répondu entièrement aux brillantes promesses qu’on avait faites à ce sujet. On avait remarqué que presque tous les villages étaient situés près des ruisseaux et des lieux humides, parce que les prairies naturelles des bas-fonds, nourrissant le bétail de leur végétation spontanée, servaient ainsi de base pour la conquête de la lande. On se proposa donc de suivre la marche indiquée par la nature. Une partie des eaux de la Meuse fut détournée et jetée dans l’Escaut après avoir traversé toute la Campine de l’est à l’ouest. Avec les irrigations ainsi obtenues, on estimait que 25,000 hectares de bruyères pourraient être convertis en prairies fertiles. Le projet était excellent : seulement quelques esprits enthousiastes en exagérèrent la portée. Une formule précise résuma leur système. Avec de l’eau, disaient-ils, on a de l’herbe, avec de l’herbe du bétail, avec du bétail de l’engrais, et avec de l’engrais tout ce que l’on désire. La déduction semblait très juste, et pourtant la nature ne s’empressa point de la réaliser. Au lieu de graminées succulentes, l’eau ne développa presque toujours que les plantes acres et malsaines qui composent la flore des sables humides. Une végétation verdoyante succédait bien à la bruyère, mais la qualité n’était guère meilleure. Il fallut en revenir à l’ancienne méthode et communiquer au sol la force qui lui manque, c’est-à-dire amender et fumer largement, puis irriguer après. Même sous l’influence du soleil du midi, et sur les bonnes terres de l’Aragon et de la Lombardie, on engraisse les prés irrigués : combien cela n’était-il pas plus nécessaire pour une terre sablonneuse située sous un climat humide et froid ? Aussi ceux qui ont voulu avoir de bonnes prairies ont-ils commencé par appliquer à chaque hectare pour 3 ou 500 francs de boues de rue ou de limon de la Meuse amenés par bateaux ; puis ils ont continué à fumer leurs herbages, surtout pendant les premières années. En définitive, le creusement du canal de la Campine et la distribution de ses eaux ont eu des résultats très favorables, mais qui n’ont été atteints qu’au prix d’efforts soutenus et de grandes avances. On peut dire qu’en général les prairies