Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/647

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pures, limpides, communiquant toutes entre elles. » Cette peinture est encore vraie de nos jours, car les jardins qu’aimait le prince de Ligne ont été respectés ; mais maintenant que de toutes parts on entend le rugissement des machines à vapeur, et que les longs panaches noirs des cheminées assombrissent le paysage, ce n’est plus dans le Hainaut que se créent les parcs et les domaines nouveaux : on ne les voit plus naître que dans les régions plus pittoresques et plus sauvages de l’est, au-delà de la Meuse, dans le Luxembourg, où la terre est moins chère et moins convoitée par l’industrie, où il y a encore de grands bois à conserver et des bruyères à conquérir.

La région que nous venons de décrire se rattache, par dès transitions graduées, d’un côté aux Flandres, de l’autre à ces contrées d’outre-Meuse. Pour bien connaître les districts qui marquent ces transitions, il faudrait surtout visiter les riches et grasses campagnes qui entourent Tournay, ou bien, plus au nord, non loin de Malines, le canton que l’on désigne sous le nom de Petit-Brabant. Le Petit-Brabant est un pays délicieux, tout entrecoupé d’eaux vives et de beaux ombrages. Il est compris entre l’Escaut et le Rupel, dont les flots, obéissant au flux et au reflux, apportent les marchandises d’Anvers et emportent les produits de l’agriculture et des industries locales, parmi lesquels les briques de Boom, transportées au loin, occupent une place très importante. Le sol est naturellement assez fertile, et, labouré, fumé, ensemencé avec les soins les plus minutieux de la culture flamande, il se couvre de récoltes magnifiques de froment, de colza et même de chanvre. Les cultivateurs jouissent d’une aisance réelle, parce que beaucoup sont propriétaires d’une partie au moins des terres qu’ils exploitent. Il s’ensuit que les fonds ruraux se vendent à des prix extrêmement élevés, — de 5 à 6,000 fr. l’hectare, — qui laissent à peine un revenu de 2 pour 100 au capital foncier. À l’autre extrémité de la région des terres à froment, vers le sud-est, le canton de Thuin forme la transition vers les Ardennes et la Haute-Belgique. Le sol, reposant sur le calcaire, y est encore de très bonne qualité ; mais, privé de communications faciles avec le reste du pays et borné du côté de la France par la Thiérache, ce district était resté jusqu’en ces dernières années médiocrement peuplé et couvert de grands bois, qui aujourd’hui disparaissent rapidement sous la hache des défricheurs. En 1846, à l’époque du recensement général, ces forêts, sur 100 hectares de superficie totale, en occupaient encore 40, proportion tout à fait exceptionnelle en Belgique. Les céréales étant absorbées par la consommation locale, les seuls produits échangés au dehors étaient les arbres de haute futaie, destinés à la marine et à la charpente des grandes constructions, et les jeunes baliveaux, achetés à haut prix pour soutenir les galeries des houillères. Maintenant,