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sont comme un magnifique appel jeté par la nature aux forces productives de l’homme. Depuis Colomb, qui, allant visiter les mines de Cibao, laissa dans son enthousiasme le nom de Vega real à l’immense nappe de verdure qu’il découvrit des hauteurs de Monte-Christo, il n’est pas un voyageur, pas un écrivain qui, en parlant de l’ancienne audience, ne se soit exprimé avec admiration sur l’étendue et la splendide fécondité de ses plaines. Autour du Cibao, dont le sombre groupe domine le pays, rayonnent jusqu’à quatorze chaînes distinctes qui courent dans toutes les directions. C’est entre ces montagnes, qui les abritent de leurs cimes et les fécondent de leurs eaux, que les vegas de l’est descendent en s’élargissant vers la mer, comme ces grands fleuves dont l’embouchure ressemble à un océan. Parmi ces plaines, les principales sont : celle que Colomb a si justement appelée royale, celle de Neybo, que traverse une rivière navigable, et qui, au dire, de Moreau de Saint-Méry, pourrait contenir cent cinquante sucreries ; celle d’Azua, qui offre une superficie de près de quatre-vingts lieues carrées ; celle de San-Raphael, dont les gras pâturages, élevés à cinq cents toises au-dessus du niveau de la mer, approvisionnaient de bestiaux presque toute la partie française ; celle de Santo-Domingo, qui entoure la capitale ; celle de la Zayna, qui, aux temps prospères de la première colonisation, rapportait plus à la métropole que la province entière n’a depuis rapporté, et tant d’autres dont l’étendue égale la fécondité.

Ce sol est propre à toutes ces riches cultures qui rendent les colonies intertropicales si précieuses à leur métropole. L’étendue de sa surface et la variété de ses zones permettent d’offrir les ressources de l’assolement à ces plantes délicates qui, après avoir précédé la Canne dans les petites Antilles, ont été comme étouffées par elle dans les limites trop resserrées de leur territoire. Tandis que dans les îles du Vent les arbres à épices ne sont plus que l’ornement de quelques jardins, que l’indigotier végète çà et là à l’état sauvage, que le cacaoyer suffit à peine à la consommation locale ; enfin tandis que le cotonnier y a presque entièrement disparu et que le cafier disparaît chaque jour, le voyageur qui traverse la partie orientale de Saint-Domingue est arrêté dans sa marche par les pousses vigoureuses et désordonnées de ces arbustes, qui se dressent comme des futaies sous l’action puissante d’une terre redevenue vierge. Nous avons à peine besoin de parler de ces bois d’ébénisterie dont’ les essences, si nombreuses et si belles, défraient depuis près d’un siècle le luxe du monde entier, en suffisant à toutes les fantaisies de la mode. Disons cependant que c’est de la partie espagnole que sortent les coupes, les plus riches et les plus recherchées de l’ouvrier européen. Aucun canton de l’île ne fournit un bois égal aux billes