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de l’art grec, mais des Niobides, que l’on hésitait à attribuer à Scopas ou à Praxitèle. Les Niobides sont tragiques, mais par le geste plus que par l’expression du visage, et sans sortir de la beauté des lignes. Il serait injuste d’enfermer nos sculpteurs dans des limites aussi étroites, surtout lorsqu’ils ne peuvent lutter avec la perfection des marbres antiques, et lorsque la sensibilité est le trait principal du génie moderne. Qu’ils osent donc, mais qu’ils sachent bien que l’exécution seule peut consacrer leur effort ou le condamner.

Si nous considérons la statue du Désespoir sous le rapport esthétique, elle est à la fois un type de force et d’élégance. Je ne voudrais point nommer Michel-Ange, fût-ce avec toutes les réserves imaginables, ni même indiquer son Captif, parce que le rapprochement ne serait pas vrai. Et toutefois, dans l’œuvre de M. Perraud, il y a un certain jet qui fait passer devant mes yeux une apparition vague et fugitive de ce maître, ou plutôt de sa manière de concevoir un sujet. L’artiste néanmoins a cherché son inspiration à des sources plus limpides. On reconnaît qu’il s’est souvenu des marbres grecs dont l’étude avait nourri sa jeunesse, et qu’il a essayé de retenir quelque chose de leur parfum. Aussi le goût qui a présidé à la composition de cette statue me paraît-il bien supérieur au goût de l’Adam, et les formes s’y révèlent avec plus de tranquillité.

La tête est un morceau remarquable, qui obtiendra des éloges unanimes. Tous ceux qui ont réfléchi sur l’art savent combien est rare en sculpture une tête significative, éloquente, propre à nous toucher. D’ordinaire la tête ne sert qu’à terminer une statue, elle en est le couronnement et ne compte que par ses proportions. Ici au contraire elle a sa part d’expression, et une part considérable, sans que le pathétique altère son caractère sculptural. Il n’est pas un trait qui ne concoure au drame, la chevelure elle-même, en projetant son ombre sur le visage, fait paraître la douleur plus profonde. Le buste et les bras sont d’une facture particulièrement belle ; ils ont quelque chose de souple, de l’ampleur, une forme suave, une grâce qui cherche à s’approcher de cette beauté que les Grecs ont adorée. Autant le Faune est sec, musculeux, agreste, trop vrai peut-être dans certaines parties, autant le Désespoir s’éloigne de la nature. Tout se simplifie, s’agrandit, s’idéalise ; il semble que l’épiderme ait effacé les veines et les muscles, pour s’envelopper d’un éclat doux et se diviniser. Les poètes anciens s’inspiraient assurément de la-sculpture, quand ils faisaient perdre à Hercule admis dans le ciel les marques de ses fatigues et de sa force pour le revêtir d’une fleur d’immortalité. Ce caractère, qu’on remarque dans la partie supérieure de la statue de M. Perraud, on voudrait également le rencontrer dans la partie inférieure. Les jambes sont d’un