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soit besoin d’y revenir[1]. Il y a au contraire quelque opportunité, en présence du rapport publié par la Banque de France sur ses opérations de 1860 et des difficultés financières toujours renaissantes, à rechercher quels sont les effets généraux produits par la concentration de tous nos moyens de crédit dans une seule institution, devenue en même temps le régulateur et le préservateur des crises. Peut-être ressortira-t-il du contraste d’une concentration si étroitement maintenue et du développement considérable de notre activité industrielle la conclusion que le meilleur moyen d’éviter de nouvelles perturbations financières serait dans une plus large organisation du crédit.


I

La découverte des mines d’or de la Californie et de l’Australie, en jetant dans le monde une quantité formidable de numéraire, a entraîné tous les peuples dans la voie des améliorations matérielles. Cette invasion de l’or avait paru un moment si menaçante que de petits états, comme la Hollande et la Belgique, se hâtèrent de le démonétiser pour éviter une crise dans la valeur des métaux d’échange. Il lui fallait donc offrir un exutoire puissant, si l’on voulait empêcher une révolution très grave dans le prix des choses mobilières et immobilières. C’est ainsi que depuis dix ans on a entrepris et exécuté en France les travaux publics de deux générations ; mais en même temps cette richesse métallique, incessamment accrue, a provoqué la création d’une quantité extraordinaire de valeurs mobilières dont la circulation et le prix étaient maintenus par l’augmentation constante des métaux précieux, auxquels se joignaient les économies qu’avait faites le pays tout entier pendant trente ans de sagesse et de repos. Cependant ces gigantesques entreprises, formées partout à la fois, nous ont peut-être conduits à ce moment critique où il faut se demander si nous n’avons point abusé de nos forces, car il semble qu’il n’y a plus maintenant équilibre entre la somme de nos titres fiduciaires et le capital monnayé resté au service de la circulation, et si l’on n’introduit pas une organisation nouvelle pour régulariser un état de choses nouveau, nous pouvons être condamnés aux inquiétudes financières.

Le succès qu’ont eu les appels faits à l’avidité universelle, sous la forme de ces souscriptions publiques qui procuraient un bénéfice certain à ceux qui y participaient, ont donné l’habitude de penser et de dire que la fortune de la France était inépuisable, et il n’est si

  1. Voyez les travaux de M. Bonnet et de M. Casimir Perier dans la Revue du 1er janvier et du 1er février 1861.