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qu’ils peuvent produire : les villes que l’on démolit réclameront un plus grand revenu lorsqu’elles seront reconstruites ; l’état, qui voit tous les jours accroître ses charges et les intérêts de sa dette, aura besoin de trouver dans les efforts du pays tout entier, pris dans la personne de tous les êtres virils et actifs qui le composent, de plus grandes et de plus sûres ressources. Comment ce résultat pourra-t-il être atteint ? Sera-ce, en ce qui concerne l’état, par un remaniement de l’impôt, impôt sur le revenu, impôt progressif, augmentation de droits à percevoir sur les successions ? Ces idées que l’on sème ne seraient-elles point la preuve du besoin extrême que nous avons d’augmenter nos moyens de produire et de tirer parti de toutes nos forces matérielles et intellectuelles ? — Or, si les êtres collectifs et anonymes, si les grosses entreprises, si les emprunts continuent à absorber toutes les épargnes du pays, si les individus restent sans ressources, si tout se concentre sur une seule branche de travail, si le ralentissement des productions individuelles vient à diminuer le revenu des impôts, des octrois, des entreprises de transport qui sont les instrumens de notre activité industrielle, commerciale et agricole, où arrivera-t-on ? On cherche les causes des crises financières et on les met presque toujours au compte de la politique ; ne voit-on pas dans les faits que nous venons d’exposer des causes permanentes de désordre dans le crédit ?

Ce n’est pas tout. L’abus qu’on a fait de la création ininterrompue des valeurs mobilières a eu encore d’autres conséquences. Les grands travaux publics, en concentrant, dans les villes les plus importantes une foule d’ouvriers, en réclamant par conséquent une quantité plus considérable de denrées de consommation, ont augmenté le prix de ces denrées, qui se sont raréfiées aux lieux mêmes de leur production, ce qui a établi, ainsi que nous l’avons dit plus haut, par toute la France, l’égalité dans l’élévation de la valeur de tout ce qui sert à la nourriture des hommes ; mais on n’a pas en même temps créé de nouveaux moyens de produire, et il n’y a que les salaires, lesquels sont le résultat des travaux exceptionnels que l’on a entrepris, qui se soient accrus en proportion du prix de tous les objets de consommation. Cependant l’on en est arrivé à conclure de cette augmentation du prix des salaires et du renchérissement de toutes choses que le numéraire avait diminué de valeur. En même temps, par une contradiction étrange, le besoin incessant qu’on a de ce numéraire a fait élever le loyer de l’argent à un taux qu’il n’avait jamais atteint.

La capitalisation des revenus mobiliers tend à s’accroître tous les jours. Déjà le revenu des actions de chemins de fer est capitalisé entre 7 et 71/2 pour 100, les obligations des compagnies à 6 pour 100, la rente de l’état aux environs de 5 pour 100. Le capital industriel suit la même progression, et les chances aléatoires des entreprises